jeudi 3 décembre 2020

Coronapente 25

Je suis une vache.


J'habite à la campagne, un lieu où je rumine à l'abri des menaces, placide. Je suis adaptée à ces temps de confinement, : j'ai l'habitude de rester à l'écart, je n'ai pas tendance à me précipiter dans les lieux bondés si on ne m'enferme pas à l'usine dans une étable. Il peut m'arriver de faire quelques entorses à la règle, d'aller voir des congénères, de braver le flic. Permettez moi de penser que c'est beaucoup moins risqué que le métro du matin et, si je ne respecte pas la loi à la lettre, je sais en suivre les principes et les adapter au mieux. Ces petites libertés que je m'octroie me permettent de tenir sur le long terme sans trop déprimer.

Si je me précipite parfois, c'est pour jouer et filer observer le promeneur sur le chemin voisin mais je m'arrête à distance du barbelé par prudence et je ne le quitte pas des yeux. Parfois je l'accompagne quelques pas jusqu'à l'angle du pré. Pas plus loin. Quand il m'arrive de franchir la barrière, c'est que je la pense en mauvais état et quand on ne me voit pas. Si quelqu'un survient quand je suis dehors, la panique m'empêche de rentrer directement. Je fuis devant l'intrus, au comble de l'angoisse. Et puis je finis par sauter des barbelés de n'importe quel pré sans souci des morsures des tortillons de fer. J'aurai ainsi mal plusieurs fois : dans la fuite panique, en me blessant, en évitant une liberté dont je ne sais pas vraiment ce que j'en ferais. Ça suffit pour me retenir dans mon coin.

Je suis une vache très bien confinée.

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