mardi 30 mars 2021

Après la ponceuse à bande...

C'est rare que je prenne mon temps... Il fait soleil, chaud. Un vrai temps de printemps. Vautré dans un fauteuil au soleil, je cuis légèrement sans me décider à ôter mon pull. Avec l'énorme pansement de ma main gauche, il n'est pas facile de retirer la manche. Alors je reste là, à attendre l'ombre qui ne tardera plus.

Je n'ai plus mal. Et cette absence de douleur fait tellement de bien. Hier, à cette heure, je trépignais en espérant un antalgique assez puissant pour me soulager. Il a fallu attendre la nuit pour pouvoir enfin souffler. C'est un sujet sur lequel ils ont été un peu légers à la clinique spécialisée dans les mains.
Inconsciemment, peut-être auront-ils eu l'impulsion de me faire payer les jours d'attente : j'aurais dû aller me faire soigner bien avant, la plaie était infectée. Je suis sorti de la clinique en même temps que les effets de l'anesthésie, la voiture se souvient encore de mes pieds qui trépignaient tandis que j'espérais les médicaments.

Depuis le début, j'aurai minimisé la blessure, envisageant les urgences seulement quand j'ai vu la plaie devenir bien laide. Et au moment d'entrer dans service spécialisé où le médecin des urgences avait pris rendez-vous pour moi, j'espérais en finir rapidement. J'ai atterri assez vite. D'abord une jolie chambre pour moi tout seul avec une jolie vue, un petit salon, une salle de bain et des toilettes. Et puis l'ensemble pour (dé)vêtir le patient : peignoir, pantalon, chaussons et charlotte à usage unique. C'est du sérieux.

Il a fallu marcher longtemps, traverser l'immense bâtiment pour rejoindre la salle d'opération en passant par la préparation sous l'expertise de l'anesthésiste. Un peu de morale quant à mon retard, et puis c'était dimanche, jour des mains blessées dans les cuisines. À Noël, il semblerait que ce soient les couteaux à huîtres, bientôt les tondeuses. On ne s'ennuie pas à recoudre les mains violentées.

Après l'anesthésie, la salle d'opération. Préparation féminine, et puis le mâle chirurgien qui vient officier quand tout est prêt. On discute beaucoup de l'autre côté du champ opératoire. Il y a du passage. Je suis la routine. A la fin, on vient me faire un petit bilan, un dernier coup de morale, et je pars pour une heure dans la chambre. Une chambre où je vais m'habiller d'une main, avec un bras endormi, ce qui trompe l'ennui.

Quand ils m'ont dit que je devais venir accompagné, ils auraient dû m'informer des délais : ma pilote a poireauté dans la voiture. Euh... Avant que tu puisses te restaurer, te rafraîchir, te balader, on file à la pharmacie de garde pour mes antalgiques ? Après tout, il n'est que 15 heures...

Il y a un peu plus d'un an, j'étais opéré dans un hôpital public. Ce n'étaient pas les mêmes conditions mais j'en ai retiré l'impression de locaux vétustes où les personnels faisaient leur boulot sans trop compter tout en courant beaucoup, avec une relation attentive à chaque personne. Aujourd'hui, je sors d'une clinique spécialisée dont les locaux sont impeccables. Les personnels n'oublient pas de sourire et de saluer en vous croisant dans les couloirs. On s'est occupé de moi avec méthode. J'étais un patient. Je n'en retire aucune conclusion. Enfin, si : je voudrais les locaux de la clinique pour les hôpitaux publics et le personnel qui m'avait accompagné pour Achille.

Mais, si j'avais le choix, j'éviterais désormais les hôpitaux.

jeudi 25 mars 2021

Chapelle

 

 Cette vallée encaissée, toute perdue, où une ferme se ruinait toute seule, je ne savais pas qu'elle était fréquentée au 12° siècle. Toute proche, il semble qu'on suspecte une voie romaine. Pour l'apprendre, il a fallu faire le tour, grimper sur les plateaux, suivre le chemin vers cette chapelle repérée depuis longtemps sur la carte mais encore jamais atteinte.

 

J'imaginais une sente à peine tracée, c'est un chemin marqué de traces bleues, parfois inondé par l'eau de fonte en cette saison. On trouve même des panneaux. Je ne me perdrai pas.


 Et j'apprendrai que cette chapelle n'est pas du tout ruinée comme je l'imaginais. C'est le lieu d'un pélerinage annuel, un chemin de croix aboutit sur la butte qui domine le cimetière. Les pierres tombales fléchissent un peu.


 Ce sont les traces d'un village qui a disparu, à l'abri d'un château fort qu'on ne peut qu'imaginer. Le paysage vaut le coup. Il est quand même difficile de se persuader de l'existence passée de tant de vies.

 

Tiens, je me suis demandé la date de la dernière inhumation ici. 1924 ?



Pessade et Servières

Pessade : de grands parkings crèvent d'ennui, le village lui-même a oublié qu'il était un haut lieu du ski de fond. Il en subsiste un parc de loisirs défendu par quelques affiches, des panneaux signalant les gîtes, les buvettes fantômatiques, les départs de randonnées.


Un petit tour au lac Servières, depuis Pessade, ça représente 3,5 kilomètres  de bon chemin dans les bois. Le sol détrempé entre les plaques de neige est de saison. Ce matin, il gèle encore un peu, pas assez pour m'épargner la boue.


D'autres sont passés il y a quelques jours, sans doute le week-end dernier. Aujourd'hui, j'entendrai les premiers sons humains une fois arrivé au lac Servières, des visiteurs en famille venus admirer l'eau roude. C'est un lac de cratère, clair et tranquille, chouette.

Auvergne

Nous sommes assez contents d'avoir découvert un nouvel endroit où nous promener, une ferme délabrée à l'ouvert d'une vallée encaissée où un paysan entretient des prés sans se soucier des visiteurs.

 

Pour atteindre ce lieu, il faut d'abord l'avoir bien repéré sur la carte, puis il faut suivre une route étroite dont le milieu est colonisé par une herbe rase d'un vert presque phosphorescent, dans la lumière crue du soleil qui se faufile entre les arbres modestes de la forêt. On monte sur quelques kilomètres, le paysage s'ouvre brusquement et c'est là.


 Quelques bâtiments dont l'abandon ne semble pas si ancien. Des engins agricoles figés dehors. Une bouteille de Pastis trône encore sur une table, peut-être apportée là par des chasseurs. L'eau est partout, la petite rivière est maîtrisée par un barrage qui en contraint une part dans une conduite forcée jusqu'à une usine électrique un peu plus bas. 


Dans la vallée, le chemin dans les prés se perd rapidement après un joli pont bossu. Plus loin, c'est le domaine des vaches en saison plus sèche, des pêcheurs aussi, auxquels des panneaux adressent des recommandations standardisées.

Je vais prendre le chemin vers le haut, vers les plateaux qu'on distingue ourlés de neige. Sur la carte, c'est un bon chemin carrossable. Sur le terrain, il reste un sentier à partager avec l'eau qui dévale et les branches qui ont colonisé l'espace libre. Ça n'empêche pas les traces de motos dans la boue.


Il ne faut qu'une demi heure pour monter à travers bois jusqu'aux vaches qui attendent ma visite dans leurs pâtures ouvertes à tous les vents. Points de vue à 360 degrés, le morceau de choix étant la vue sur le massif du Sancy, à l'ouest.


Deux mondes se côtoient, tout proches sur la carte, l'un au-dessus de l'autre, la vallée refermée sur son histoire tandis que les plateaux s'ouvrent sur l'horizon. Comment imaginer la fréquentation du chemin d'en bas au 12° siècle quand un château fort surveillait les parages ? Il n'en subsiste que des pierres, une chapelle - pour un autre article.

jeudi 18 mars 2021

La ponceuse à bande...

 

 ... est une machine contondante, tranchante sans états d'âme. D'habitude, je m'en méfie. Hier soir, c'était le dernier travail de la journée avant rangement, un ponçage de rien du tout pour nettoyer une petite plaque de contreplaqué. Elle m'a échappé des mains, je n'avais pas pensé à mettre des gants, et l'annulaire gauche, coincé entre la bande abrasive et le socle de la machine, a été largement entamé dans le gras de la dernière phalange. C'est douloureux. Le pansement est réussi, posé sur trois steri-strips.
La nuit a été moyenne...

Il reste pourtant du travail : nous avons entrepris de refaire une (grosse) partie de la descente.
 
 

Au programme, beaucoup de prise de tête et de menuiserie, et le déplacement du tableau de bord du moteur (débrancher après avoir repéré les fils pour être capable de rebrancher, faire passer tous ces câbles vers le nouvel emplacement). C'est justement le moteur qui nous a motivés. Il s'agit de lui faire de la place dans un compartiment trop étriqué. Et de pouvoir installer un grand frère un jour.

 

Ça avance doucement, côté électricité.

 Et il reste un peu de travail sur le moteur aussi. On n'est pas prêts à redémarrer.


Montage à blanc avant le démontage pour peindre les éléments. 





mardi 16 mars 2021

Mars mi-confiné : 3 jours entre Verdon et Lubéron



Sainte-Croix, un bourg touristique ? Les immenses parkings vides lui donnent un air délaissé et triste, un magasin est ouvert, des places sont libres pour notre voiture parmi la poignée d'emplacements dessinés au sol entre les bâtiments resserrés du centre bourg. Si la vue est splendide sur le lac de Sainte Croix du Vercors, la base nautique reste fermée et l'immense zone dévolue aux camping cars est barrée d'un bout de rubalise miteux. On a tout fermé pour cause de Covid, et les touristes qui ne rapportent pas ne sont plus les bienvenus. 


Drôle d'ambiance dans ce magnifique sud du Verdon où on croise quelques marcheurs sur les chemins à défaut des autochtones vraiment très discrets. Une jolie balade au départ de Quinson sur le sentier du gardien du canal, le long des basses gorges du Verdon émeraude. 


Nous avons mis un moment à comprendre (un peu) l'histoire de cette voie d'eau aménagée en plein dix-neuvième pour acheminer l'eau jusqu'à Aix en Provence : 80 kilomètres dont 20 de tunnels, un aqueduc, mais l'entretien à assurer puis l'abandon à cause du canal de Provence, au milieu du vingtième siècle. Désormais on y célèbre les chauves souris qui ont trouvé refuge dans des portions de tunnels, les aigles des falaises, quelques plantes endémiques. J'éprouve toujours un peu de nostalgie devant l'abandon de ces chantiers datant d'à peu près deux siècles.


Quinson : le seul lieu ouvert était l'Office du tourisme. Il y avait un vendeur ambulant de fruits de mer qui s'ennuyait, un Proxy qui n'ouvrait qu'à 16 heures 30. Un peu plus loin, le supermarché de Montpezac était fermé. Nous n'avons pas repéré de boulangerie. Le touriste devrait en principe être accueilli dans les locations, restaurants, parkings, si nombreux et à présent vides. On rencontre quelques fermes, un livreur en camionnette cramponné à son téléphone. Il est difficile de se faire une idée de la vie locale. Peut-être que tous les gens d'ici travaillent à la ville et en ramènent jusqu'à leur baguette fraîche ?


Les paysages sont splendides. Les montagnes à l'est, le lac tout proche ponctué des lumières des villages côtiers, des plateaux partagés entre champs de lavande et forêts claires, des bourgs resserrés assiégés de propriétés encore discrètes derrière la verdure. Nous sommes à un peu plus d'une heure de Martigues, dans un autre monde fait de routes étroites et sinueuses, avec de l'eau douce et un climat assagi, sans zone industrielle ou commerciale, tranquille et beau.


Plus loin dans le Verdon, la charge touristique augmente. Enfin, on devine les endroits où la foule serait accueillie, canalisée, exploitée. Par exemple avec les rafteurs vers Castellane, ou alors simplement les aires gigantesques de camping cars, les parkings, les campings avec ou sans bungalows, avec ou sans ombre, avec ou sans guinguette à proximité, et toujours les restaurants... On repère facilement les opportunistes confortables, profs de tao ou de bien être, artisans d'art aux magasins ouverts trois heures par semaine (un numéro de téléphone est affiché pour permettre les ventes ou les livraisons à un autre moment). Mais les touristes sont absents et les boutiques n'accueillent plus, fermées. 


Les gorges sont spectaculaires et savourent sans doute leur tranquillité. Tout en bas, le Verdon fait le petit innocent, couleur émeraude sur sables blancs, il se faufile entre les parois, discret, comme s'il n'était pour rien dans l'existence de ce monde de canyons. De rares maisons partagent le paysage avec quelques voitures de passage. Aux portes des gorges, les bourgs aux rues resserrées gardent calmement leurs moutons. On ne voit à peu près personne. C'est une chouette scène, mais il manque les acteurs.


Il fait froid les nuits. Pas question de dormir en altitude, et puis le lac de Saint Laurent du Verdon ne nous tente pas. Nous revenons vers Moustiers où nous avons repéré une plage et un parking. Arrivée une demi heure après le début du couvre feu. Il y a déjà là du monde pour la nuit, deux ou trois vans, quelques voitures en groupe autour de tentes.  Apéro le soir face au lac pendant que la nuit tombe.


Une nuit frisquette. Il y a du givre sur la voiture le matin et du soleil dans un  ciel clair. La photo ci-dessus ne provient pas de Moustiers mais de la station de Lure où nous faisons une balade au frais, au beau, bien aérés. La station en elle-même s'abandonne autour de parkings à peu près inutiles. Rien de bien folichon ici sinon le départ de belles marches.


Le réchauffement est pour bientôt, après être redescendus de nos 1600 mètres d'altitude et avoir traversé des plateaux de lavande organisée. A Manosque où les ruelles sont encore bien fraîches, on rencontre enfin des habitants qui fréquentent les marchés. Quelques groupes se sont déguisés pour rappeler l'existence du carnaval, ils se baladent sans parvenir à mettre beaucoup d'ambiance. Il y manque une proximité pré-pandémique.


Une promiscuité que nous retrouverons plus loin, à Roussillon, au sein du pays de l'ocre, où les murs se couvrent de ce mélange aux proportions diverses mais toujours dans le rouge, l'orangé, le brun, le jaune... Même privés de visites organisées, les promeneurs sont nombreux ce samedi après midi. Ils sont attendus ici : les boutiques sont ouvertes.


Cette région est douce entre lavande, vins et forêts. Nous couchons à proximité de Gordes, bien à l'abri entre les pins. Mais Gordes, comment dire ? C'est beau, c'est magnifique... de loin. L'approche de la ville perchée sur son éperon, les murs de pierres sèches, les bories, les paysages des environs, il n'y a pas de reproche à formuler quant à l'écrin.


Mais oui, c'est snob et ça le montre. L'hôtels qui cannibalise les remparts pour une piscine à offrir à des clients qui raquent 22000 euros la semaine, les prétentions des agences immobilières, les revêtements muraux de l'église qui partent en loques derrière des décors prétentieux, on finit par ne plus remarquer que ça. Gordes, ça reste beau en cliché.


Une découverte : les bories qui se cachent un peu au dessus du bourg, proches de la route qui mène au monastère -grand, ordonné en une géométrie implacable, et pourtant dominé par la route et les passants.


Je n'évoque pas là le village organisé dont la visite est fermée pour la raison habituelle mais les ruines découvertes par hasard à proximité de notre bivouac.






Allez, un dernier arrêt à l'Isle sur la Sorgue. C'est jour de marché. Immense le marché, et très fréquenté aussi. Il s'est répandu (le marché, pas le Covid - enfin, j'espère parce qu'il y a foule à touche touche) dans les places, les rues et les bords de la Sorgue, en centre ville. Les camelots proposent de tout avec plus ou moins de succès, plutôt plus que moins : les clients et les curieux sont assez nombreux pour imaginer que les affaires seront bonnes. Les traiteurs, les vendeurs de confiseries sont les plus fréquentés en cette fin de matinée de dimanche. L'Ile sur la Sorgue fait une belle conclusion pour cette balade ; il est temps de retourner bricoler à Martigues.

Y'a pas que le téléphone qui reste le plus rapide pour mettre les photos en ligne. Voici, après coup, quelques résultats issus de l'appareil photo :