Il ne s'agit pas ici de gestion, plutôt des usagers, clients du port pour la plupart.
Certains se contentent de passer : ils arrivent un jour, préparent leur bateau en deux temps trois mouvements, et disparaissent à l'eau en un ou deux jours. A leur retour de vacances, ils rincent, rangent plus ou moins soigneusement et retournent chez eux. Leurs vacances étaient sur l'eau ; ils n'auront pas laissé de traces ici.
D'autres bricolent. Il leur faut davantage de temps. Il y a toujours quelque chose à réparer, reprendre, améliorer, quand ce n'est pas un gros chantier à commencer pour refaire la peinture, le haubanage ou un autre de ces travaux sans fin que les bateaux nous procurent trop souvent. Ceux-là restent donc. Et ils font société.
Ils partagent la poussière et la chaleur de l'été, les odeurs d'hydrocarbures part vent d'ouest, les coups de mistral, les douches froides ou trop chaudes. Et les soirées pendant lesquelles, autour d'un apéritif ou d'un barbecue, on refait le monde ou on parle bateau.
Les barbecues sont en principe organisés par les quelques résidents permanents du port. Ceux-là vivent sur leur bateau à l'année. Ils sont bricoleurs incurables, artisans patentés, retraités. Ils se sont construits un environnement entre deux voyages, entre deux rêves ou au plus près de leurs clients. Ce sont souvent des originaux attachés à leur indépendance.
dimanche 31 juillet 2016
Les chats du port à sec (papotage)
Ils peuvent être discrets dans la journée. Ils ont leurs coins préférés : autour de la capitainerie, vers un ou deux bateaux accueillants ou dans le sillage de quelques personnes qu'ils ont choisies...
Ils sont souvent plusieurs, des fratries, parfois avec la mère. Les petits jouent dans les talus, sautent, roulent, se mordillent, tout à fait craquants comme tout bébé : des jeux vif, des arrêts brusques pour observer un sujet passionnant de leurs grands yeux écarquillés. Ils se laissent approcher par ceux qu'ils connaissent bien, préservent une distance de sécurité avec les autres, ne dédaignent pas les plats de croquettes qu'on leur offre vers la capitainerie ou sur certains bateaux.
Certains ont l'oreille fendue : ils ont été stérilisés pour éviter la prolifération. Une association existe dans les environs, à Istres je crois. Quelques plaisanciers militent pour l'intervention quand d'autres préfèrent le laisser faire. On se croise, on s'épie un peu, on s'engueule quelquefois à propos des chats. Femme ou homme, le défenseur des animaux, s'il sait se pâmer au spectacle joueur d'un chaton, n'est pas toujours délicat dans ses relations humaines.
Ils sont souvent plusieurs, des fratries, parfois avec la mère. Les petits jouent dans les talus, sautent, roulent, se mordillent, tout à fait craquants comme tout bébé : des jeux vif, des arrêts brusques pour observer un sujet passionnant de leurs grands yeux écarquillés. Ils se laissent approcher par ceux qu'ils connaissent bien, préservent une distance de sécurité avec les autres, ne dédaignent pas les plats de croquettes qu'on leur offre vers la capitainerie ou sur certains bateaux.
Certains ont l'oreille fendue : ils ont été stérilisés pour éviter la prolifération. Une association existe dans les environs, à Istres je crois. Quelques plaisanciers militent pour l'intervention quand d'autres préfèrent le laisser faire. On se croise, on s'épie un peu, on s'engueule quelquefois à propos des chats. Femme ou homme, le défenseur des animaux, s'il sait se pâmer au spectacle joueur d'un chaton, n'est pas toujours délicat dans ses relations humaines.
lundi 25 juillet 2016
Le port à sec de Martigues (papotage)
Martigues, pour nous, c'est d'abord un grand parc à bateaux, une sorte de terre-plein un peu trop grand qui supporterait des centaines de coques remisées ici.
Il faut imaginer arriver par le grand pont de Martigues, un ouvrage impressionnant qui surplombe le canal entre l'étang de Berre et le golfe de Fos, à droite. C'est là qu'on quitte l'autoroute de Marseille pour descendre vers la zone industrielle de Lavera. Dit comme ça, ce n'est pas très folichon. Dans la réalité, c'est... pas mieux. Mais, si on roule vitres ouvertes, on peut avoir "la chance" de humer les vapeurs des cheminées de Lavera qui sentent bon les hydrocarbures.
Un grand portail permet d'accéder au port à sec. A gauche, les bureaux, bâtiment assez moderne et plutôt accueillant avec ses surfaces vitrées et son premier étage ouvert sur l'horizon, où on ne voit jamais personne. A droite, le local technique et les sanitaires. Du point de vue esthétique, c'est moins bien.
A l'intérieur des rangées de bateaux à sec, à droite et à gauche, sur 4 allées. Il y fait très chaud en été, le vent y souffle librement en hiver, l'endroit pourrait être plus vert. Tout droit, le canal. Il faut chercher un peu sur la droite pour trouver une darse de mise à l'eau et une sorte de bassin peu protégé où on peut voir quelques bateaux flotter.
La darse de mise à l'eau consiste en deux rail au dessus de l'eau qui servent de piste au Roulev : c'est l'engin avec lequel les grutiers soulèvent les bateaux, une sorte de croisement entre le tracteur et le portique. Les coques sont prises dans des sangles qui les glissent jusqu'à l'eau. Vu l'étendue du port, le trajet peut prendre un certain temps !
Nous sommes à l'ouest, à gauche, en direction de la voie de chemin de fer qui s'anime plusieurs fois par jour. C'est un coin qu'on pourrait trouver un peu "zone", qui présente les deux avantages de la tranquillité et de plusieurs voisins bien sympathiques, résidents permanents.
Bien sûr, le vélo est utile pour fréquenter les sanitaires, par exemple. Nous sommes un peu loin...
Il faut imaginer arriver par le grand pont de Martigues, un ouvrage impressionnant qui surplombe le canal entre l'étang de Berre et le golfe de Fos, à droite. C'est là qu'on quitte l'autoroute de Marseille pour descendre vers la zone industrielle de Lavera. Dit comme ça, ce n'est pas très folichon. Dans la réalité, c'est... pas mieux. Mais, si on roule vitres ouvertes, on peut avoir "la chance" de humer les vapeurs des cheminées de Lavera qui sentent bon les hydrocarbures.
Un grand portail permet d'accéder au port à sec. A gauche, les bureaux, bâtiment assez moderne et plutôt accueillant avec ses surfaces vitrées et son premier étage ouvert sur l'horizon, où on ne voit jamais personne. A droite, le local technique et les sanitaires. Du point de vue esthétique, c'est moins bien.
A l'intérieur des rangées de bateaux à sec, à droite et à gauche, sur 4 allées. Il y fait très chaud en été, le vent y souffle librement en hiver, l'endroit pourrait être plus vert. Tout droit, le canal. Il faut chercher un peu sur la droite pour trouver une darse de mise à l'eau et une sorte de bassin peu protégé où on peut voir quelques bateaux flotter.
La darse de mise à l'eau consiste en deux rail au dessus de l'eau qui servent de piste au Roulev : c'est l'engin avec lequel les grutiers soulèvent les bateaux, une sorte de croisement entre le tracteur et le portique. Les coques sont prises dans des sangles qui les glissent jusqu'à l'eau. Vu l'étendue du port, le trajet peut prendre un certain temps !
Nous sommes à l'ouest, à gauche, en direction de la voie de chemin de fer qui s'anime plusieurs fois par jour. C'est un coin qu'on pourrait trouver un peu "zone", qui présente les deux avantages de la tranquillité et de plusieurs voisins bien sympathiques, résidents permanents.
Bien sûr, le vélo est utile pour fréquenter les sanitaires, par exemple. Nous sommes un peu loin...
vendredi 22 juillet 2016
Vie de couple (fiction)
Vie de couple
Il se jeta sur le côté. Son pied ne
rencontra que le vide. Il plongea dans l’escalier et roula lourdement sur les
marches.
Groggy. Il était groggy. Ce coup ci, il l’avait
échappé belle. Une douleur sourdait vers les reins. Il eut de la
difficulté à se tourner sur le dos. Sur le palier là-haut, un poids se
balançait toujours comme un énorme balancier. Il se souvint qu’ils avaient
regardé une émission à la télé, la semaine dernière, une émission où il était question de la
guerre du Vietnam et des pièges qu’affrontaient les soldats américains. On y
décrivait parfaitement celui-ci : un poids hérissé de piques guettait
l’intrus. Ouvrir la porte déclenchait la chute de la charge suspendue au bout
d’une corde. Elle avait bien compris.
Il soupira lourdement, bougea les
jambes l'une après l'autre. Chaque bras était bien
libre, ainsi que le cou, la tête. Restait cette douleur dans le bas du dos.
Les tentatives devenaient plus
fréquentes ces derniers temps. La semaine dernière, elle avait empoisonné sa
soupe. Il ne pensait pourtant pas avoir laissé un seul produit dangereux à la
maison mais elle avait dû se procurer de la mort aux rats chez les voisins. Il
ne mangeait jamais avant elle ; quand il l’avait vue repousser
son assiette en prétextant une violente migraine, il avait préféré se lever de
table.
Cette tension perpétuelle. Toujours
faire attention à tout. Un jour, c’est le frein de la voiture qui lâche tandis
qu’il ouvre la porte du garage. Le mois d'avant, elle avait laissé ouverte la
trappe du couloir lors d’une panne d’électricité qu’elle avait simulée en
coupant le compteur. Il s’était rendu compte de la tromperie en voyant de la
lumière dans le village.
Heureusement, elle n’était pas trop
maligne dans ses tentatives ! Il les avait déjouées assez aisément jusqu’à
présent.
Problèmes psychologiques, haine
conjugale… Ils s’étaient mariés il y a… ho ! très longtemps. Ils étaient
minces et beaux, avaient l’avenir devant eux et s’en fichaient, préféraient
vivre le temps présent.
Il se cala les reins contre la
rambarde, souffla quand il parvint à trouver une position plus confortable. Ça
ne semblait pas trop grave.
Leur voyage de noces avait suivi
l’énorme banquet campagnard. Ils étaient heureux chez eux, il le furent encore
à Venise. Ils partirent amants, revinrent époux et le travail fit le reste. En
deux ans sans enfant, ils prirent l’habitude de vivre sous le même toit que
l’autre. Il revint à ses manies de vieux garçon et regagna de haute lutte sa
place au bistro.
Il se mit péniblement à quatre
pattes pour remonter l’escalier. Il avait le dos chaud et engourdi. La douleur
ne venait que s’il bougeait trop.
Elle voyagea encore quelque temps.
La ferme gagnait assez bien pour qu’elle puisse se payer l’Espagne, le Maroc,
jusqu’aux États-Unis. Il assurait, sans barguigner. Après
tout, c’est elle qui avait apporté la ferme en dot. Lui avait quelques bois,
des prés et deux bras solides. Chaque partie y trouvait son compte.
Puis elle n'est plus partie, elle restait à la
maison, se renfrognait. Il a toujours pensé qu’elle avait eu un grand
chagrin d’amour. Il s’en fichait. Mais c’était peut-être aussi parce qu’il avait
vendu une parcelle durant sa dernière absence. Elle surveillait son
bien.
Ils faisaient chambre à part. Il
dormait au rez-de-chaussée, à côté de la cuisine. Sa première tentative fut une
fuite de gaz. Maladroite déjà. Non seulement il y avait peu de chances qu’il
soit gravement intoxiqué depuis la pièce voisine, mais il aurait pu faire
sauter la maison en allumant une cigarette.
Il fut sur ses gardes. Elle devint
dépressive.
Il atteignait le palier, se
redressait doucement en s’aidant d’une petite tablette de bois brun qui
supportait leur photo de noces ; il ne grimaçait pas trop. Il resta un
moment appuyé à la cloison, ressentit le besoin d’une cigarette.
Ils ne s’étaient pas parlés depuis
presque un an. Il passait peu de temps à la maison, préférait s’abrutir de
travail dans la journée, se finir au café le soir. Il aimait les copains, la
fumée et les plaisanteries un peu trop grosses.
Tout le monde la savait
“ dérangée ”. Et chacun de l’admirer de la supporter, ou bien de le
plaindre d’endurer une telle épreuve pour pouvoir garder l’exploitation. Pas
un, en tout cas, n’avait le moindre doute quant à l’état mental de sa femme.
D’autant plus qu’il leur avait
raconté ses naïves tentatives d’assassinat ; certains avaient été, bien
malgré lui pourtant, des témoins compatissants. Il lui avait inventé
dernièrement des tendances suicidaires.
Quelqu’un l’avait sans doute découverte,
à cette heure. On saurait qu’elle s’était pendue hier soir au pont sur la Dore.
Un rude travail, réussi du premier coup ! On l’avertirait bientôt.
Il pénétra dans la pièce en se
frottant les reins. Restait-il d’autres pièges ?
jeudi 21 juillet 2016
Porquerolles (fiction)
Porquerolles
L’homme a enfilé sa combinaison noire. Il aimait bien :
ça faisait ninja avec le Néoprène qui le moulait des chevilles à la tête. Il a
mis le masque avec son tuba. C'était maintenant un plongeur anonyme et discret.
La lune faisait briller quelques mats et la surface calme de
la mer. Il a terminé son équipement avec la bouteille de plongée, les palmes,
un sac porté en bandoulière.
Il est entré doucement dans l’eau sans ajouter de bruit aux
quelques tintements de drisses. Nul ne s’en est aperçu parmi les occupants des
centaines de bateaux au mouillage dans la baie. On était en été, au moment des
touristes sur l’île, des baigneurs sur les plages et surtout,
surtout, des plaisanciers qui bronzaient leur ennui sur la côte de l’île. Ceux-là dormaient à cette heure.
On avait installé des bouées pour les faire reculer. Mais
ils sont toujours là, à peine plus loin. Avec leurs ancres, ils saccagent les
fonds. Avec leurs chiottes, ils polluent les plages. Avec leurs peintures
spéciales contre les salissures, ils perturbent l’écosystème. Et la vue :
un voilier c’est bien, mais là bonjour les dégâts !
Alors, il avait choisi la nuit pour son premier coup de
main. Il y a longtemps qu’il y pensait mais il a fini par se décider à agir.
Seul, encore une fois seul.
La lune éclaire faiblement l’eau. Il y voit assez pour
s’orienter. Il choisit sa première cible : une grande carène claire sous
laquelle il ne sera pas remarqué. Il pourra travailler à l’aise.
Il s’approche doucement… Ne pas faire de bruit. Surtout pas
maintenant. La ventouse se fixe doucement sur la surface lisse. Sa main plonge
à nouveau dans le sac, en ressort une torche dont la lumière semble occultée en
partie. La main file une troisième fois vers le sac…
Combien de bateaux cette nuit ? Combien la nuit
prochaine ? Combien pendant la saison ? Sur chacun, il passe un long
moment avant de partir, toujours aussi discret.
Il rit silencieusement en sortant de l’eau. Sa bouteille
d’air comprimé est vide, les gros marqueurs sont terminés. Il devra les remplir
durant la journée. Il a inventé ce système lui-même et, maintenant, il peut peindre
sous l’eau. Et il faut avouer que taguer
les carènes, c’est quand même vachement mieux que les dessous de ponts ou les
murs de la sous-préfecture !
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