L’homme a enfilé sa combinaison noire. Il aimait bien :
ça faisait ninja avec le Néoprène qui le moulait des chevilles à la tête. Il a
mis le masque avec son tuba. C'était maintenant un plongeur anonyme et discret.
La lune faisait briller quelques mats et la surface calme de
la mer. Il a terminé son équipement avec la bouteille de plongée, les palmes,
un sac porté en bandoulière.
Il est entré doucement dans l’eau sans ajouter de bruit aux
quelques tintements de drisses. Nul ne s’en est aperçu parmi les occupants des
centaines de bateaux au mouillage dans la baie. On était en été, au moment des
touristes sur l’île, des baigneurs sur les plages et surtout,
surtout, des plaisanciers qui bronzaient leur ennui sur la côte de l’île. Ceux-là dormaient à cette heure.
On avait installé des bouées pour les faire reculer. Mais
ils sont toujours là, à peine plus loin. Avec leurs ancres, ils saccagent les
fonds. Avec leurs chiottes, ils polluent les plages. Avec leurs peintures
spéciales contre les salissures, ils perturbent l’écosystème. Et la vue :
un voilier c’est bien, mais là bonjour les dégâts !
Alors, il avait choisi la nuit pour son premier coup de
main. Il y a longtemps qu’il y pensait mais il a fini par se décider à agir.
Seul, encore une fois seul.
La lune éclaire faiblement l’eau. Il y voit assez pour
s’orienter. Il choisit sa première cible : une grande carène claire sous
laquelle il ne sera pas remarqué. Il pourra travailler à l’aise.
Il s’approche doucement… Ne pas faire de bruit. Surtout pas
maintenant. La ventouse se fixe doucement sur la surface lisse. Sa main plonge
à nouveau dans le sac, en ressort une torche dont la lumière semble occultée en
partie. La main file une troisième fois vers le sac…
Combien de bateaux cette nuit ? Combien la nuit
prochaine ? Combien pendant la saison ? Sur chacun, il passe un long
moment avant de partir, toujours aussi discret.
Il rit silencieusement en sortant de l’eau. Sa bouteille
d’air comprimé est vide, les gros marqueurs sont terminés. Il devra les remplir
durant la journée. Il a inventé ce système lui-même et, maintenant, il peut peindre
sous l’eau. Et il faut avouer que taguer
les carènes, c’est quand même vachement mieux que les dessous de ponts ou les
murs de la sous-préfecture !
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