mardi 29 juin 2021

Soller

Soller au petit matin, un dimanche : nous terminons notre traversée depuis Barcelone. Il fait encore nuit mais les sommets des Baléares se voient nettement. On les a distingués pendant la journée, de loin. Puisla nuit est tombée et nous avons aperçu deux feux : celui du cap Formentor, à l'Est, et le Cap Gros qui marque l'entrée de la rade de Soller. Les heures passant, les lumières de quelques agglomérations se sont montrées, pas nombreuses : la côte Nord-Ouest de Majorque est abrupte.

Les lampes de la ville nous éblouissent dans le goulet et pendant notre recherche d'une place pour mouiller au milieu des bateaux endormis. Nous ne pensions pas trouver le mouillage aussi fréquenté. Le premier emplacement libre nous conviendra ; on changera dans la journée quand certains auront libéré un espace.

Il est six heures quand nous pouvons nous glisser dans les draps. Petit déjeuner en milieu de matinée. Il fait chaud, il y a foule sur la plage et sur le front de mer. Nous attendons la fin de l'après-midi pour descendre faire un tour un peu à l'écart, vers le phare qui nous a guidés pendant la nuit précédente.

Guidés... Il est vrai que les phares ont un peu perdu de leur importance depuis le GPS. Nous n'avons plus vraiment besoin d'eux pour tenir un cap mais ils sont des points lumineux qui fixent l'horizon, à l'écart des écrans. Notre pilote automatique a décroché plusieurs fois : les changements dans le vent et le glissement des lumières sur le côté étaient les deux premiers signes pour nous indiquer que nous perdions notre cap.

Soller le dimanche, c'est bien entendu une usine à estivants. La pression va diminuer lundi, des bateaux seront partis : nous en profiterons pour changer de place en prévision des vents d'Est annoncés pour mardi. Il nous faudra tâtonner un peu pour faire notre place : de nombreux mouillages sont accaparés par des locaux qui finissent par les considérer comme les leurs. La place disponible diminue d'autant.

Alors, lundi matin, c'est changements de mouillage (2 fois : vive le nouveau guindeau électrique), aller chercher 20 litres de gasoil avec l'annexe, et quelques rangements. L'après-midi, les courses en "ville", un démontage du carburateur de l'annexe pour améliorer son fonctionnement (bof) puis une superbe balade sur les chemins qui dominent la côte au-dessus du bourg où, comme souvent, les hôtels gigantesques se sont approprié les points de vue. Plus loin, on trouve le calme, les plantations d'oliviers, quelques maisons perdues dont certaines semblent occupées  en permanence. L'endroit est superbe, sous la protections bien fragile d'un pic, une dent de pierre, sans rancune.

C'est une région de chemins où il fait bon se promener. D'accord, il faut se faire à la chaleur mais c'est un plaisir de cheminer entre les murs de pierre sèche qui délimitent autant de terrasses où les agrumes semblent occuper les fonds de vallées et les oliviers, sans doute plus résilients, exposent sur les coteaux leurs formes tourmentées. Leur vie semble compliquée, enchevêtrée, noueuse, parfois brûlée à l'intérieur, et ils vivent, et ils poussent, à la dure.

Des chemins ombragés passent à proximité de fincas, cees exploitations agricoles d'un autre temps, véritables maisons de maitre qui régnaient sur leur domaine, d'après ce que j'ai compris. Les voilà toujours prospères, vendant les oranges, reconverties partiellement au tourisme, placées au plus beau du paysage.

Les caroubiers, de temps en temps, et quelques amandiers, pour varier les plantations, et à terre, des moutons nettoyeurs. Les brebis ont leurs petits qui restent à l'ombre. L'agitation du port est loin d'ici où on croise quelques randonneurs allemands, pas nombreux.



vendredi 25 juin 2021

Barcelone

Nous n'avons pas vraiment de souvenirs des jeux olympiques à Barcelone, à la fin du siècle dernier. Mais des traces, il en subsiste, dont le port olympique qui va nous permettre de nous poser en pleine ville. Nous voici tellement bien intégrés à l'agglomération qu'un immense immeuble nous fait de l'ombre le soir.

Bon, des immeubles, nous en avons distingué en nombre quand nous sommes arrivés. La ville, vue de la mer, présentait un aspect étonnant, des infrastructures industrielles assiégées par les immeubles, des zones pavillonnaires cachées par des panneaux solaires, des cheminées ou des ponts, des verticales de toutes parts : les grues géantes du port, les immeubles à l'esthétique optimiste (sauf pour le suppositoire oblongue, ostensible et risible à côté d'une cathédrale tourmentée qui n'en revient pas d'être diluée ainsi dans des bâtiments plus hauts qu'elle.

La banlieue Nord-Est de Barcelone, vue de la mer, ça vous aurait même un aspect steampunk.

A terre, les espaces dégagés, la circulation, les voies cyclables, les trottinettes électriques, les arbres des avenues, tout l'environnement ramène au contemporain, au climat, au farniente de ce jour de fête de la San Juan. Il fait beau, un petit vent rafraichit l'atmosphère, on se balade, on fréquente les terrasses, on soigne les habits ou l'apparence, les adolescentes osent des robes qu'elles ne porteraient sans doute pas au lycée, les adultes jouent des vêtements légers avec davantage de goût quand elles ne hurlent pas dans leurs téléphones sans souci de partager leur vie dans un rayon d'une centaine de mètres. L'espagnol peut avoir la voix forte, sans doute éduquée à passer au-dessus des claquements des pétards qui continuent à retentir de temps en temps.

Barcelone se fait facile à vivre, les menus rapides, un verre dans un bar, c'est abordable. Les touristes sont rincés plutôt quand il s'agit de visiter un monument. Les billets d'entrée dépassent facilement les 25 euros et peuvent atteindre quelques sommets. On profite ici de Gaudi d'abord, de Picasso ensuite. Pas question de gaspiller la manne. Nous choisirons de nous faire plumer à la villa Pedrera. Du Gaudi, bien sûr, comme pour les façades devant lesquelles les guides ou les cyclo-pousse emmènent leurs visiteurs. Mais on entre dans l'immeuble et c'est fascinant. On déambule sur la terrasse, dans les greniers à la charpente très esthétique, on visite enfin l'appartement du dernier étage avant de terminer pas la cour intérieure. Quelques photos (à venir ; elles sont plutôt dans l'appareil photo, pas dans le téléphone qui me permettrait de les mettre en ligne plus facilement), quelques photos plutôt qu'un texte qui sera toujours moins bien, moins fouillé, qu'un article sur Wikipedia.

Retour dans les rues de la fin d'après-midi, et dans le le parc fréquenté par les barcelonais qui passent un moment sur l'herbe, en barque sur l'étang, ou préfèrent utiliser les nombreux bancs des avenues. Autour du port, c'est au tour des terrasses de se remplir. Mais auront-elles vraiment été désertées depuis la mi-journée ?

Deuxième jour, vendredi, ce n'est plus la fête de San Juan, ce n'est plus un jour férié : la proportion de touristes augmente, la circulation aussi, les costumes apparaissent dans la rue, les magasins sont ouverts, les adolescent.es ont à peu près disparu.

Je récupère un canif laissé hier à la villa Pedrera (oui, pour entrer, il faut passer les bagages au détecteur de métaux), et nous continuons nos déambulations dans la ville, autour du quartier gothique. Le centre culturel qui abrite les vestiges de la ville du début du dix-huitième siècle va nous occuper une bonne partie de la matinée. C'est superbe : sous les entrepôts en charpente métallique du dix-neuvième, les fouilles ont mis à jour un vieux Barcelone de l'époque de la fin de l'indépendance catalane (1714) moments d'un siège et de combats très durs. Après, rien que du classique : le marché, un bistro, la marche baladeuse, un café, quelques visites de cathédrales, des vues sur les façades post Gaudi, le nez au vent la plupart du temps à prendre l'air de la ville.


C'est chouette, Barcelone.

mardi 22 juin 2021

Palamos

 



Ça y est : on a pu quitter l'Escala. Nous sommes partis ce matin quand la mer tapait encore. Deux heures de shaker au moteur, sans vent, sans les voiles pour appuyer le bateau. La mer a fait le ménage dans les équipets en nous roulant bord sur bord.

C'est seulement à partir des Îlots des Mèdes que nous avons pu profiter du vent. A partir de ce moment, l'avancée a été plus facile, un peu sportive, bien plus rapide que notre première progression au moteur. Évidemment, il fallait tenir le bateau dans les creux. En Méditerranée, la houle n'est pas toujours haute comme en Atlantique, mais elle peut être abrupte, cassante. Un mètre se fait fort de bousculer le bateau et il faut éviter de s'endormir à la barre.

Du coup, nous avons rejoint Palamos en début d'après midi. Mouillage dans la baie, à peu près à l'abri de la digue du port, par 13 mètres de fond. Heureusement, il y a maintenant un guindeau électrique pour remonter la chaîne !

Palamos, on en voit d'abord le port. Ici, la plaisance ne colonise pas tout l'espace. Les pêcheurs travaillent. Un caboteur charge du sable, ravitaillé par une noria de camions. C'est appréciable de trouver un endroit qui ne soit pas entièrement dévolu au tourisme.

Ces derniers ne sont pas oubliés : outre une gigantesque fête foraine qui doit ravir les riverains, ils auront des musées, des attractions, les restaurants nécessaires, les boutiques... Mais la ville conserve ses habitants et leur réserve des ruelles en hauteur, tranquilles.

J'évoque la vieille ville. La partie moderne est, comme un peu partout, ravagée par des immeubles qui rivalisent en hauteur et en laideur sur tout le littoral.

Palamos doit avoir une longue histoire de pêche, de commerce, de transport. Nous n'y resterons pas assez pour l'apprendre : la météo nous fera partir demain matin plus au sud. Nous commençons à faire quelques hypothèses pour la suite. Peut-être n'irons nous pas aux Baléares après tout ce temps perdu entre Covid et vents contraires, peut-être nous contenterons nous de Barcelone avant de refaire du Nord, revoir des calanques que nous n'avons pas pu approcher, éviter les ports espagnols hors de prix en juillet et revenir doucement.


dimanche 20 juin 2021

Attente

 On n'associe pas vraiment lecture avec chaleur, soleil et mer. Ce qui les relie, c'est ici le vent. Un vent contraire qui nous oblige à l'immobilisation. Alors lecture...

Lecture alors que les pluies orageuses de ce matin ont cessé après avoir répandu une boue brunâtre sur le pont et multiplié les flaques dans les rues que j'ai parcourues ce matin. Il n'y avait pas encore de vent : j'ai acheté du pain, posé une poubelle, fait une visite à un bateau du port, récupéré un peu d'eau.

Et puis le vent est venu : une grosse bouffée de l'ouest qui a tendu le mouillage d'un coup. Nous l'avons prise comme un avertissement pour le renforcement prévu par la météo et nous avons rangé l'annexe et son moteur bien proprement sur le pont pour éviter d'avoir à le faire tout à l'heure, si la situation empirait.

Quelques heures après, il fait soleil et cette bourrasque ne s'est pas vraiment répétée. Nous attendons le vent. Demain, peut-être choisirons-nous de passer la journée au port voisin pour pouvoir abandonner le bateau et jouer les touristes ?

Après-demain - mais c'est bien lointain pour la météo erratique de cette période - peut-être pourrons-nous bouger ?



La Escala (suite)

 Samedi 19 juin 


Nous sommes ici depuis quelques jours. Le temps nous a bloqués sur place - ou plutôt nous nous sommes laissés bloquer sur place. Nous préférions rester par crainte de la houle (pas faux) et nous n'avons plus tellement de possibilités désormais : le vent est encore contre nous pour aller vers le Sud. La houle du large reste présente. Les calas que nous aurions pu fréquenter seront sans doute invivables. Nous pourrions peut-être repartir vers le Nord mais nous devrions revenir contre le vent. Nous pourrions aller au Sud à condition de revenir nous mettre à l'abri ici ou d'aller à l'Estartit pour quelques nuits. Elle est difficile la vie de marins d'occasion


En attendant, quelques promenades nous dégourdissent les jambes. C'est samedi : le moment d'aller voir la plage de Montgo. Du monde (la photo prise lors d'une autre balade ne montre pas la fréquentation) pour profiter de la plage, puis de la douche  qui coule en permanence au gré des trempettes des petits, des rafraîchissements des plus grands.

 Locations, campings, supermarchés, parkings, nous en avions eu une toute autre vision par la mer. Nous n'avions alors pas imaginé que nous étions ici dans la banlieue de l'Escala



mercredi 16 juin 2021

La Escala

Il fait moins chaud. C'est un temps d'Est qui s'annonce maintenant. Ce matin, la station météo affichait 80 % d'humidité et 24 degrés seulement. Pour un peu il aurait fait frais. Sur les hauteurs, la brume envahissait le phare du Cap Creus et les environs commençaient à perdre de leur netteté. Le temps change. 



Jusqu'à présent, nous avons eu de la chaleur et peu d'humidité. Les vents étaient d'Ouest ou de Nord. Ils nous ont remués au mouillage de Puerto de la Selva, sur le versant Nord du cap Creus. Encore une fois, on a mal dormi. 



Nous manquons de sommeil. Les travaux de préparation du bateau, la mise à l'eau, la vaccination peut-être et les premières navigations nous ont fatigués davantage que les autres années et nous n'avons pas  encore récupéré.



Nos étapes depuis le départ de Martigues :
- Beauduc, à l'ouest de la Camargue, dans le baie des Saintes Maries de la Mer qu'on distinguait dans le Nord. Une ambiance de bout du monde, un paysage plat, le phare d'un côté, quelques maisons, des casiers de pêche, peut-être des filets un peu plus loin, le calme du soir et les moustiques, bien sûr les moustiques.

- Cap d'Agde, un peu au Sud de Sète. On en a vu son quai d'accueil, on a un peu marché dans les rues de la station balnéaire.



- Le Canet en Roussillon, nous ne l'avons pas visité. Le port était loin de tout, nous avons passé du temps à nous amarrer dans ces places mal fichues. Ces longues étapes, ces journées qui commencent à 5h30, quelques bateaux amis à ne surtout pas négliger, et nous nous plaignons de ne pas suffisamment pouvoir récupérer. Entre le Cap d'Agde et Canet, du vent et du vent pour une étape rapide.

- Et puis dimanche, nous avons franchi la frontière après avoir frémi devant tous les bateaux qui se pressaient au mouillage des Paulilles, à proximité de Port-Vendres. On les comprend aisément : c'est dimanche, il fait beau, l'endroit est magnifique. Pas question d'aller nous agglutiner, nous sommes libres même en dehors du weekend, nous continuons vers Puerto de la Selva pour poser notre ancre devant la plage et profiter ainsi de l'animation que nous avions évité aux Paulilles !



- Puerto de la Selva, c'est un port de pêche assez actif, mais c'est d'abord une station touristique où les maisons blanches se louent et les terrasses proposent leurs cartes aux promeneurs qui ne sont pas encore des vacanciers : ceux-là ne se limitent pas au weekend et il n'y avait plus grand monde lundi à Puerto de la Selva.



- C'est à l'étape suivante que nous sommes arrivés sous le Cap Creus, dans une calanque orientée au Nord, un bijou esthétique rongé par le soleil ou le mauvais temps, c'est selon les conditions. Ici, si la végétation s'obstine comme elle peut, les méduses semblent plus à l'aise.

Avec ce temps d'Est de prévu pour les prochains jours, nous devrons soigner nos étapes. Le mouillage de Rosas, nous ne l'avons pas trouvé assez sûr et nous en sommes partis pour un long bord de près vers les Sud, à la Escala, où nous avons mouillé devant le port, à l'abri pour le moment. La météo nous promet de la houle pour nous bercer d'abord, nous remuer ensuite...

La Escala, c'est un station balnéaire habillée trop grand pour la saison. Il pourrait y avoir davantage de monde dans les rues, les bateaux pourraient être employés par d'autres que les élèves des écoles de voile, sans doute des classes de lycéens, les terrasses pourraient être plus fréquentées. Il y a tout le matériel, il manque encore l'été. Avec ce temps d'Est bien bouché, l'effet est saisissant.

La Escala nous propose d'abord un mouillage face au port, plus ou moins abrité de la grande houle de Sud-Est qui nous gênerait ailleurs. Nous avons essayé Rosas, trop exposée. Alors nous patientons ici, devant la plage, voisins des hurlements des adolescents en groupes, des jet-skis, des pneumatiques. Heureusement, ça ne dure pas toute la journée.

Le petit port de pêche était aussi calme ce matin que la grande marina voisine. Un peu plus loin, un chantier nautique bute sur le grand mur qui protège de la mer. Tout cet endroit a été gagné sur l'eau au prix de travaux importants. Des sentiers parcourent une pinède et ouvrent sur la côte. Il faut une bonne heure de marche pour faire le tour du promontoire et découvrir Cala Montgo, ouverte de l'autre côté, un bijou de plage enserrée entre des rochers. A gauche, les maisons blanches sur un promontoire ; à droite, les pinèdes. Derrière, les terrasses des restaurants avant les pavillons. C'est le bout de la ville. je reviens en ligne droite pas l'avenue de Montgo jusqu'au bateau en espérant que la houle ne nous remue pas trop.