mardi 13 juillet 2021

Traversée (2)

Nous voici à Martigues. C'est un autre monde qu'on retrouve sur ce port à sec, une petite société souvent conviviale, accueillante. Le bateau est à quai, nous retrouvons la promiscuité avec les conversations sur le bateau voisin auxquelles nous pourrions (presque) participer.

Un autre monde : nous étions indépendants, autonomes. Nous attendons maintenant que les opérateurs du port manutentionnent le bateau pour l'amener à sa place. C'est à ce moment que commenceront les travaux d'hivernage, une bonne semaine à prévoir.

Un autre monde, nous étions dans un petit coin bien joli, bien sympathique, nous sommes maintenant dans la zone industrielle d'une grande ville.

Deux jours et deux nuits pour passer d'un univers à l'autre, deux jours de mer à une moyenne de 4,7 noeuds, soit 8,5 km/h, quelle vitesse !

Ce que cache cette moyenne, c'est qu'en deux jours, nous avons vécu des situations bien différentes :

- du moteur sur une mer calme pendant la première journée

- un vent de Nord-Nord-Ouest, presque de face, une mer comme la "peau du diable", le voilier au près, à fond dans la plume à s'ébrouer dans des vagues abruptes, bien trop brutales pour nos estomacs qui se rebelleront plusieurs fois, la douche drue, fréquente mais pas trop chaude, le sommeil en fuite même quand nous prenions un temps de repos sur le plancher. Le jour s'est levé sur une mer ébouriffée avec parfois des vagues aux formes bizarres, certaines pyramidales, d'autres aux allures de squale, la gueule ouverte par la blancheur de l'écume

- après une dizaine d'heures de shaker, le vent s'est calmé progressivement. Pour l'état de la mer, c'est toujours plus long. Il a fallu attendre la fin de la journée. Voiles pour un moment, puis vent de face et moteur, puis l'approche de la nuit et des orages qui éclataient un peu partout sur les côtes, à une petite cinquantaine de milles au loin devant nous

- la deuxième nuit, ce fut celle du vent d'Est, de travers, pas vraiment prévu d'une telle vigueur mais il a eu l'obligeance de ne pas trop lever la mer. Les douches étaient moins fréquentes et bien moins mouillées que la nuit précédente. Et puis surtout, on allait droit sur notre but, à 6 noeuds, sans trop nous faire secouer.

- l'arrivée à Port de Bouc au petit matin, rattrapés par un cargo (on n'a pas l'habitude de se disputer les mêmes chemins), puis la voie jusqu'à Martigues qu'on trouve encore endormie. J'oubliais les pêcheurs dans leurs embarcations ou sur les rives, levés avant le jour pour taquiner les poissons du chenal qui auraient eu la malchance de se heurter aux hameçons (parce que les voir à distance dans ce bouillon de culture paraît improbable).

Bon, cette traversée, eh bien c'est sans doute une des pires que l'on aie vécues. Le bateau s'est drôlement bien débrouillé, secoué dans tous les sens, vaillant, têtu. Nous deux, les marins d'opérette, eh bien on a trouvé les conditions difficiles. Nous n'avons pas apprécié du tout mais, après coup, notre bilan est très positif : pas d'erreur, on a assuré. Une petite absence de modestie pour justifier les siestes de la journée et notre apathie pour récupérer de la fatigue et de la diète forcée.

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