jeudi 30 avril 2020

Coronapente glissante 12


Au début, je n'y ai pas cru. Autour de moi, ceux qui se protégeaient étaient peu nombreux. Et puis ce fut dimanche, il faisait beau et nous sentions de manière encore un peu confuse que les temps allaient bientôt changer, en pire. Certaines régions étaient déjà cruellement touchées. Au bureau de vote, les assesseurs et les votants s'astreignaient à des précautions d'éloignement et de désinfection qui entreraient rapidement dans nos habitudes. C'était notre dernier jour de socialisation de proximité. Après, nous aurions les réseaux sociaux, les apéros vidéos éventuellement, un coup de fil de temps en temps...

Parce que le temps du confinement est venu très vite après celui du vote. Comme si, de leur point de vue surplombant, nos gouvernants n'avaient pas été plus perspicaces que moi, comme s'ils n'avaient pas su comment réagir à ce qui venait d'au-delà des frontières, là où on souffrait déjà.


Puisque nous n'avions pas réagi à l'avance, nous avons été sévèrement confinés. Un isolement que nous avons bien accepté dans l'urgence. Il fallait nous protéger, il fallait protéger les personnes les plus fragiles de cette pandémie et de la saturation des hôpitaux qu'elle provoquait déjà. Ce fut brutal, sans égards pour les difficultés que pouvaient éprouver certains. Le langage est devenu martial et il y avait déjà des sacrifiés pour le bien de la majorité.


Même si nous avons vite compris que le manque de prévoyance et les atermoiements de nos décideurs n'arrangeaient rien, nous avons respecté le confinement. Et les forces de l'ordre se chargeaient de nous en rappeler le caractère obligatoire, du moins pour ceux qui n'étaient pas requis pour faire vivre le pays.


Parce que c'était extraordinaire, le courrier, les poubelles, l'énergie, les provisions, le pays fonctionnait à peu près. Nous en avons repensé l'utilité sociale des professions - en plus pour certaines ou en soupçons de parasitisme pour d'autres. Nous avons applaudi ces soignants que nous n'avions pas su soutenir auparavant, ceux-là qui se débattaient désormais dans des hôpitaux démunis par... par ceux qui n'avaient pas su anticiper mais demeuraient autoritaires et indécis, parfois menteurs et systématiquement exigeants, même dans leurs contradictions.


Le déficit de moyens des hôpitaux, le manque de masques et la comédie de leur (in)utilité, rien de tout ça n'a été reconnu, avoué. Et on a accentué la pression sur la population dans un volontarisme contagieux : après avoir mobilisé des hélicoptères et leurs équipages pour faire la chasse aux randonneurs solitaires, des préfets se sont distingués avec des déclarations obscènes, des gardes à vue ont été prononcées contre des particuliers qui affichaient leurs opinions sur des banderoles, certains maires ont limité les sorties à 10 mètres ou interdit les bancs publics dans une sorte de concours lépine du décret liberticide.


Au bout d'un mois de confinement, nous avons bien fini par comprendre que nous étions un troupeau à encadrer, à contenir, même quand le chef-berger semblait avoir enfin abandonné sa rhétorique guerrière. Les dissimulations portaient désormais sur les tests. Nos bergers sont encore des gestionnaires qui restent dans la réaction (tardive ?) aux événements et peinent à sortir de leur sidération pour dessiner un avenir, confondant volontarisme et bonapartisme, gestion et rétention décisionnelle, science et politique, plus compétents pour manipuler des finances théoriques que des situations complexes de crise.


Reconnaissons que cette compétence ne s'apprend pas facilement. J'aurais néanmoins souhaité souhaité davantage de modestie et d'anticipation, un brin de contrition et une nouvelle aptitude au dialogue, à la confiance, à la recherche de l'implication de tous après ces semaines de communication verticale dictée autant par l'habitude que par l'urgence... Il s'agit maintenant de nous dessiner un avenir. Pas celui-ci.


samedi 25 avril 2020

Covfiction

Il a glissé un œil prudent par la porte entrouverte. La rue restait silencieuse dans l'attente du jour qui s'annonçait dans le ciel. Il était encore tôt mais l'éclairage public était éteint depuis longtemps. Pour qui l'aurait-on conservé ?

Personne en vue. C'était jouable. Il s'est glissé dehors, a tiré la porte derrière lui le plus silencieusement possible. Il a descendu trois marches, vulnérable, visible, inquiet. Les premiers pas étaient toujours les plus difficiles. Dans ces rues désertes, le moindre mouvement se remarquait de loin. Il n'y pouvait rien. Il ne pouvait compter que sur le sommeil des voisins ou leur mansuétude, et la lassitude des agents de la BAC dans le petit matin.

Tourner à droite, filer plus loin, compter maintenant sur la chance dans ces espaces ouverts où on te remarque de loin sans pouvoir te reconnaître : jogging, capuche, baskets, comme tout le monde.
Courir maintenant, la foulée souple, le souffle maîtrisé, pour un moment de joie. Allonger, allonger, aller plus vite sans casser le rythme, sentir l'air passer, souffler, se concentrer dans les sensations du moment. Bientôt le canal et le couvert des arbres.

Ils l'ont vu venir de loin. Papiers d'identité, déclaration sur l'honneur, adresse, questions déplacées, bientôt la fouille s'il se rebelle. Les flics sont de mauvaise humeur à traîner ainsi sans pouvoir vraiment se convaincre de l'utilité de leur patrouille. Surtout qu'ils interviennent sur plusieurs communes et s'y perdent un peu. A côté, il est interdit de s'éloigner de plus de dix mètres de son domicile. Là, il ne faut pas s'asseoir. Ici, il est interdit de courir.


Covfiction


Monsieur le Président,

j'ai longtemps hésité à vous écrire : vous êtes sans doute submergé par le travail à cause de la pandémie actuelle de Covid 19. Et puis, j'ai fini par me persuader de l'utilité de ma démarche.

Autant vous l'avouer tout de suite : j'attends de vous que vous me rendiez un service. Pas seulement à moi, mais à toute une communauté à laquelle j'appartiens.  L'emploi du terme "communauté" reflète une situation beaucoup plus diverse que le sens qu'on prête d'habitude à ce mot mais je n'en ai pas trouvé qui convienne mieux. Nous sommes nombreux, vulnérables, souvent sincères et toujours invisibles.

Mais il faut que je me présente. J'ai plus de deux fois votre âge, j'ai vécu cet état de guerre que vous citiez un jour, mais la mienne se jouait en vrai, contre un ennemi et un système politique détesté. J'ai aussi vécu d'autres guerres dans lesquelles c'était moi qui étais détesté quand j'allais imposer les couleurs de la France dans des jungles hostiles. Mais ce n'est pas le sujet de cette lettre. J'y reviens.

J'aurais peut-être pu avoir cent ans dans quelques années ; la tête va à peu près bien, merci. C'est du moins ce que m'assurent les personnes qui s'occupent de moi dans cet Ehpad. Je suis là parce que je ne suis plus autonome. Pour être franc, il m'arrive de ne plus me contrôler et de salir mes linges. J'ai parfois de la peine à me lever les matins même si je marche seul durant la journée. Je ne saurais faire ma cuisine, ma lessive, mon ménage. J'ai toujours vécu indépendant et je suis maintenant materné du matin au soir. Certaines soignantes s'y prennent bien et j'ai plaisir à les voir quand elles me rendent visite. D'autres crient quand elles s'adressent aux vieux comme à des débiles légers, n'imaginent pas les souffrances de notre dignité et me rendent la vie encore plus difficile. Mais ce n'est pas le sujet. Je vais préciser mes propos.

Toutes ces soignantes (il n'y a que des femmes, le directeur est un homme (jeune comme vous l'êtes - et on le voit peu), toutes ces soignantes prennent très au sérieux la pandémie actuelle. Elles se protègent (depuis qu'elles ont le matériel ad hoc) et nous protègent du mieux qu'elles le peuvent, prennent des précautions inouïes pour nous éviter d'attraper cette saloperie de virus. Il y en a que je ne pouvais pas supporter et que je vois désormais d'un œil nouveau, quand je remarque combien elles sont attentives et attentionnées. C'était sans doute qu'elles ne savaient pas "faire" quand il s'agissait de relations. Remarquez : elles ne savent pas mieux faire maintenant, crient toujours pour me jeter ces formules infantiles qui me font horreur. Mais je sais qu'elles prennent soin de ma santé.

Vous aussi, vous prenez soin de ma santé. De la notre. Nous sommes une population que vous préservez en la confinant dans le confinement général. Et ça dure, et ça dure... Depuis des semaines, je vis cloîtré dans ma chambre et ce n'est pas gai. Le jardin ? Hors de question. Les visites ? Interdites, hors celles du personnel. L'intimité ? N'en parlons pas. Depuis combien de temps n'ai-je pas pris la moindre décision, ne serait-ce que décider d'aller faire un tour, de pisser au rez-de-chaussée plutôt qu'à l'étage, de me laver le soir plutôt que le matin, et justement de faire une grasse matinée.

J'en ai assez, et le fameux "droit de visite" que vous nous promettez comme on pourrait le promettre à des prisonniers, ce "droit de visite" ne m'amuse plus. A mon âge, il est des décisions qui devraient m'appartenir comme celle de risquer un peu plus ma santé pour préserver un peu de liberté. Pour être franc, je vous trouve bien arrogant. Comme beaucoup d'entre nous, vous avez eu la vue un peu basse et le raisonnement trop comptable. Vos réactions  autoritaires, je les se supportais dans l'urgence, elles m'insupportent aujourd'hui quand il s'agit de préparer demain. 

Avez-vous compris ma demande ? Pensez à moi, pensez à nous qui faisons partie des citoyens fragiles. Une société n'est riche que des conditions d'existence qu'elle permet à tous et à chacun, sans oublier quiconque. Quelle misère de devoir encore une fois répéter cette banalité !

Je m'en vais et vous laisse à vos occupations.


mercredi 22 avril 2020

Covfiction

Cher monsieur le Ministre de l'Intérieur,

vous êtes en charge d'un ministère important dans un temps difficile, celui de la pandémie du Covid 19. J'imagine la quantité de travail qui doit être la votre, et les soucis de toutes natures qui vous assaillent, sans parler des injonctions du Président et de la nécessaire cohésion de votre conseil des ministres.

On vous entend moins qu'à une époque. il est vrai que ce sont plutôt les moments du Premier et de la santé mais je crois aussi que vous devez être très occupé à plein temps. D'autant que certains ne vous facilitent pas la tache. Je pense notamment à ceux qui ne respectent pas vos mesures de confinement que je trouve personnellement parfaitement adaptées à la situation. A votre place, j'aurais pris les mêmes décisions ; j'aurais aussi, comme vous le fîtes, commandé ces six-cents drones pour surveiller une population par trop laxiste. Il y a tant de gens qui ne se rendent pas compte du caractère impératif de la nécessité de respecter vos consignes.

Du coup, vos gendarmes sont obligés de travailler, même le weekend, pour verbaliser les impudents marcheurs, ces randonneurs qu'ils sont obligés d'aller débusquer sur les chemins de randonnée et les sentiers isolés de tout. D'où l'intérêt des drones dont vous avez bien remarqué qu'ils étaient parfaitement adaptés à la situation présente. Vous avez eu mille fois raison d'en acheter... beaucoup.

Je ne sais pas si vous y avez pensé, mais il y aura peut-être, sans doute un après. Le confinement ne durera pas comme les impôts et vous risquez de vous retrouver avec tous ces drones sur les bras sans en avoir l'usage. Quand les gilets jaunes manifestent, ils sont regroupés et on peut les tirer à bout portant ou presque : ils ne se cachent pas tellement. C'est d'ailleurs le principe des manifestations que de rassembler les gens : vous allez sans doute devoir les interdire tant que le virus fait des ravages ; voilà au moins un sujet qui ne vous embêtera plus pour un moment.

J'en reviens aux drones, Lorsqu'ils ne vous serviront plus, vous risquez de ne pas savoir qu'en faire. Aussi, je viens vous proposer d'en acquérir un d'occasion, mais vous ne devez pas me le revendre trop cher. Ils ont a priori tout pour me plaire. Vous les avez sans doute choisis comme je l'aurais fait moi-même, en respectant un cahier des charges qui me convient tout à fait : 
  • fiabilité et facilité d'emploi par les gendarmes qui ne sont pas toujours très soigneux avec le matériel
  • une vidéo en temps réel qui fonctionne pour repérer les promeneurs et qui me servira bien pour mes prises de vues aériennes et futures
  • une grosse commande qui fait que j'aurai des pièces détachées

Il me semble que c'est un marché gagnant-gagnant, comme on dit : on ne vous accusera pas de gaspiller les deniers publics et j'aurai du bon matériel d'occasion. Qu'en pensez-vous ?

Dans l'attente de votre réponse, je vous prie d'agréer, Monsieur le ministre, mon profond respect et toute l'expression de ma sympathie.

Un fidèle soutien

dimanche 19 avril 2020

Coronabalade


C'est de la chance d'avoir la campagne à moins d'un kilomètre de chez soi. C'est de la chance d'avoir la possibilité de se balader sur des chemins pendant l'heure de liberté conditionnelle.


En général, on rencontre une ou deux personnes avec lesquelles on a du plaisir à échanger un peu. A la campagne, chacun respecte assez facilement les mesures de distanciation sociale, les mal nommées.


Et puis là, sur le bord de cette route sur laquelle ne doivent pas rouler 10 voitures par jour, profitant des pluies bienvenues et de la tranquillité, un petit dragon bien remarquable.

On a discuté un bon moment sans pratiquer trop de gestes barrières. Quand nous avons fini par lasser la salamandre, elle est partie se réfugier sous quelques herbes.


jeudi 16 avril 2020

Coronapente glissante 11


C'est dit et redit : on rêve d'une politique de long terme menée avec honnêteté pour sortir de la pandémie, éviter les séquelles du confinement, orienter la sortie de crise vers une meilleure prise en compte des difficultés sociales et environnementales, abandonner aussi les contraintes de ce nouvel état d'urgence sanitaire .


Car ces contraintes pourraient bien perdurer dans nos vies futures... L'état d'urgence précédent a facilement disséminé quelques règlements assez liberticides dans nos vies. Qu'en sera-t-il pour celui-ci, provoqué par un coronavirus qui ne mourra pas brusquement ?


On rêve d'une politique adaptée à la situation. D'ailleurs, peut-être l'est-elle maintenant, adaptée... Mais ne pourrait-elle être réglée de manière plus fine ?


Depuis le début, nous sommes interdits de parcs, de plages, de montagnes, de forêts, de ces étendues plus ou moins désertes sur lesquelles on pourrait se balader de manière autonome. Il ne faut pas oublier que ce qu'on souhaitait éviter, c'était d'abord le contact physique ou la proximité.


Le confinement a été mis en place en urgence et peut-être avec un peu de retard. Il faudrait demander ce qu'en pensent les familles des élus et assesseurs décédés du Covid après le premier tour des élections. Il y a sans doute eu faute. Je la comprends assez : le soir des élections, inconscient de l'urgence du risque, je buvais une bière avec des amis après avoir voté. Mais nous vivons dans une région qui était alors épargnée


Et justement, ne pourrait-on imaginer des variations dans la rigueur des règles du confinement ? Selon les régions, par exemple. A se demander s'il ne faudrait pas déconfiner dans le Cantal ou la Lozère, et à quelles conditions ?


Enfin, c'est terrible de laisser les personnes âgées de nos Ehpads en isolement. A tout prendre, certains préféreraient sans doute courir un risque limité mais garder une vie sociale. Ne pourrait-on imaginer des visites sécurisées ?


Les dégâts de ce confinement long pèseront sur l'état de santé des personnes âgées, des pensionnaires, des enfants en situation fragile, des SDF, de nous tous. Il me semble que nous tous gagnerions à une gestion plus fine, peut-être plus permissive et le plus tôt possible. La gestion sur le moyen terme ne devrait-elle pas être différente de celle de l'urgence ?





mercredi 15 avril 2020

Coronapente glissante 10

L'Italie est en proie au coronavirus, on le sait bien. Mais pas que... Les ports italiens ne sont plus sûrs. Si des navires affrétés par des organisations humanitaires voulaient y débarquer des migrants clandestins, ils n'en auraient plus la possibilité : on débarque les naufragés dans des endroits considérés comme sûrs. C'est le code maritime international qui le dit. Ces migrants déjà trempés, sans doute fiévreux, épuisés, stressés, voire affamés, le gouvernement italien veut leur épargner un coronavirus qui pourrait leur être fatal. Un beau geste altruiste !


mardi 14 avril 2020

Coronapente glissante 9


 
 
J'ai préféré celui-là, le président de lundi soir, à celui qui nous sonnait les cloches bien avant Pâques, celui qui ne "laisserait pas dire que"..., Jupiter qui menait à la guerre contre une mini bestiole qu'il fallait cerner d'abord, alors on mettait tout le monde derrière et pas une mauvaise tête qui dépasse. 
 
 
Celui-là, celui de lundi 13 avril, il semblait un poil plus humble, en tout cas plus cohérent, plus compréhensif, que ce soit le résultat d'un travail de communicant ou une réelle évolution personnelle. Les mesures annoncées n'étaient pas faciles : prolonger le confinement, c'était mettre une pression extraordinaire sur ceux qui sont mal confinés, fragilisés pour de multiples raisons. Ceux-là qui sont les sujets au centre de la démocratie. Les autres, confortables et gagnants systématiques, ceux-ci se débrouilleront toujours dans n'importe quel régime politique.
 
 
Il n'a pas été très précis au sujet des actions à mener. Comment compenser ces retards presque assumés, comment fabriquer ces produits qui permettront de faire évoluer la situation sanitaire dans le bon sens, quelles formes prendront les aides aux individus ? Autant de questions aux réponses encore bien fragiles. C'est bien pratique de séparer la position présidentielle de l'action gouvernementale : on se retrouve du bon côté des consignes, là encore.
 
 
Oui, l'Europe a bien mieux réagi qu'il y a dix ans, malgré un grippage au démarrage ; oui, l'argent abonde pour compenser les effets de la crise ; oui, l'état d'urgence et les positions caricaturales de certains interdisent un débat pourtant nécessaire sur l'attribution de la manne ; oui, depuis le début, c'est quand même le peuple qui supporte le plus gros poids des contraintes ; oui, ça va durer parce qu'on ne sait pas comment en sortir, de ce merdier.

 
 
 "J'aimerais pouvoir tout vous dire mais en toute franchise, en toute humilité, nous n'avons pas de réponse à cela."
 
 

mardi 7 avril 2020

Coronapente glissante 8

Promis, on confine correctement :


On dort, on fait la grasse...






On bouquine, parfois sur écran...

  

On cuisine, on prend des kilos...

Alors pourquoi toutes ces nouvelles réglementations ? Défense de courir, couvre-feu, interdictions de tous genres sorties de la tête de n'importe qui ayant du pouvoir. Le confinement ne suffirait pas ; il en faut toujours plus.

C'est le retour en enfance, au temps des soumissions, quand l'adulte ne craignait pas de punir un collectif pour la désobéissance d'un individu, quand il fallait faire preuve d'autorité d'abord parce qu'on pensait qu'ainsi on éviterait des débordements ultérieurs.

Tiens, je serais maire, j'imposerais un sens giratoire pour des balades organisées avec les flics comme pions, des balades pendants lesquelles, tous dans le même sens, on ne se rapprocherait pas des autres. Comme sur certaines autoroutes, on tracerait des bandes peintes au sol : deux bandes d'écart, ça va, une seule, danger. Il faudrait du silence pour rester concentrés sur la conduite, un chrono pour rentrer dans l'heure, des contrôles bien sûr, des voisins qui guetteraient depuis les fenêtres, prêts à appeler le 17.

lundi 6 avril 2020

Coronapente glissante 7



Lundi matin, 6 avril, beau temps, bien calme, comme l'est notre vie confinée, loin des zones à risques, du "pic de la pandémie", des services d'hôpitaux surchargés, des travailleurs "au contact".

Au contact, nous ne le sommes pas : les cas sont encore peu nombreux dans notre région, nous nous confinons correctement. Si correctement qu'il serait incroyable que nous soyons au contact du virus. Et alors ?

Alors, il est possible qu'on ne soit pas près de sortir. Nous sommes chanceux à la campagne, en ce qui concerne nos conditions de réclusion : de la place à la maison, du beau temps, un jardin, des espaces libres devant les yeux, de quoi s'occuper les mains et la tête malgré une connexion aux réseaux plutôt affligeante.

Peut-être ne serons-nous pas parmi les premiers  être "libérés" ? Nos défenses immunitaires ? Rien. Notre utilité pour la nation ? Disons pudiquement que notre zone rurale est un autre monde, différent du quotidien des zones et des gens d'influence qui se concentrent habituellement en ville quand ils ne se réfugient pas à l'abri. Rien que pour cet éloignement habituel, ce serait étonnant qu'on passe dans les premiers. Quant à ceux qui ne sont pas comptés dans les "forces vives" du pays, il est envisageable de les laisser attendre encore un peu, en l'absence de traitement.

Imaginons l'idée d'une sortie de la pandémie en essayant de répandre progressivement l'épidémie parmi la population préservée. Ça ne pourrait être dit comme ça ; on ne pourrait volontairement, officiellement, exposer ainsi les personnes fragiles. Il y faudrait des tests, une progressivité maîtrisée loin du laisser-faire, loin de notre élargissement.

C'est pas fini.

samedi 4 avril 2020

Coronapente glissante 6

Mon point de départ est une expression employée par nos politiques de l'exécutif : "Je ne laisserai personne dire...". Il peut s'agir de la sécurité, des violences policières, du confinement face à la menace de Covid 19. Des sujets sur lesquels le gouvernement a fait preuve...
De quoi au juste ?

L'impression que les sujets sur lesquels s'est exercée la fermeté du gouvernement, c'est nous. Car enfin, dans une démocratie, on dit. Chacun parle pour ne rien dire ou pour débattre mais tous l'ouvrent. C'est même un des critères pour reconnaître une démocratie. "Je ne laisserai personne dire..." : l'expression est pour le moins malheureuse. Elle fait penser que le discours bien huilé, l'attitude policée cacheraient des pensées plus martiales à base d'autorité.
Et les pensées martiales, c'est un peu la tendance quand on se déclare "en guerre" contre...
Contre quoi, au juste ?

En guerre contre un coronavirus ? Ça existe une guerre comme ça ? Ou bien il s'agit encore de dramatiser le discours, de (faire) taire les opinons différentes, de faire assaut d'autorité ? Tiens, un peu comme pour l'état d'urgence, histoire d'obtenir les coudées bien franches. Encore l'impression d'avoir un gouvernement qui ne sait pas discuter...
Avec qui, au juste ?

Les actions n'ont pas été plus rapides pour autant : d'abord le confinement qui est venu progressivement après un épisode "premier tour des élections" encore bien controversé. Voir quelques opinions divergentes à partir d'ici ou ici . Je ne suis pas certain de l'intérêt immédiat de cette pétition mais il s'agit d'un sujet qui devra être débattu en fin de crise.

Les masques ont fait pleurer les soignants et rire les cyniques quand ils ont été d'abord déconseillés puis remis au goût du jour selon les disponibilités des stocks qu'on avait largement négligés. Pourquoi ne juste avoir dit qu'il y avait un os, que les politiques en partageaient la responsabilité avec des fonctionnaires ? Ils auraient pu ajouter que ce dysfonctionnement serait à discuter après la crise mais que là, il y avait urgence. Cette attitude aurait été responsable, audible, franche.

Enfin, comment éviter d'évoquer à nouveau le traitement à base de chloroquine ou d' hydroxychloroquine pour lequel une pétition est lancée ici ? Quand on en est réduit à une pétition pour faire exploiter (ou non) dans les délais un traitement, c'est le signe d'un souci de gouvernance. Si les politiques prenaient leurs responsabilités ? Nous sommes dans une situation démente où ce traitement controversé, pas complètement interdit, est utilisé à contre emploi, c'est à dire réservé aux cas lourds pour lesquels ses promoteurs indiquent qu'il ne sert plus mais qu'il faut le donner dès le début des symptômes.

Sans compter que le jour où nos gouvernants changeront d'opinion, il n'y aura peut-être plus de stocks ?
 
 

vendredi 3 avril 2020

Coronapente glissante 5

Biais....


Un scientifique, un professeur, atypique certes, et traînant dans sa carrière des difficultés relationnelles avec ses collègues. Et ses collègues justement, qui récusent ses études parce que leur déroulement n'aura pas respecté le protocole scientifique du temps long.

Le temps devant nous est court. Il faut agir à bon escient. Pas simple dans cet exemple : voici un médicament utilisé depuis quelques décennies dans différents traitements dont le paludisme. Ses effets secondaires, on les tenait pour acceptables comparés au bénéfice du traitement. Acceptables au point que ce médicament était en vente libre jusqu'à la fin 2019.


Il prétend que la charge virale de ses patients a diminué de manière notable ; il dit qu'il ne faut pas attendre pour administrer le traitement mais le faire dès les premiers symptômes ; il affirme qu'on pourrait contenir l'épidémie avec ce moyen peu onéreux et fabriqué localement.

Certains s'inquiètent : les malades qui ont déjà besoin de ce médicament pour un autre traitement craignent une pénurie. Va-t-on les mettre en danger ? A ce sujet, il en est pour remarquer que d'autres pays ont pris des mesures et commandent dès maintenant des quantités importantes . La pénurie serait pour bientôt et ils craignent qu'il n'y en ait plus quand la France se sera décidée à l'utiliser. La situation navrante des masques se reproduirait.


Enfin, il y a tous les scientifiques qui ne croient pas à ce traitement : il leur faut des essais rigoureux, des doubles aveugles, c'est à dire des comparaisons entre des malades traités et d'autres qui ne le sont pas, ce qui pose quand même quelques soucis d'éthique en temps de pandémie. Ils disent qu'un essai européen à grande échelle est en cours. On parle ici de nombres, de statistiques, de cohortes.

C'est à des raisonnements concurrentiels peut-être biaisés qu'on doit l'état actuel de l'utilisation du traitement :
  • il est administré à des malades très atteints quand son promoteur le prescrit dès les premiers symptômes,
  • il est l'objet d'un dénigrement quand on attend un espoir, mais il est pourtant administré vers Marseille, et largement
  • aucune étude ne semble envisagée qui reproduirait les conditions de son utilisation par l'équipe qui le promeut
  • les craintes que l'utilisation de ce médicament suscite ne sont pas toujours très nettes, ou, du moins, leur explication n'est pas toujours bien transparente
  • on n'est pas prêts, on n'est pas prêts pour les tests, on n'est pas prêts pour les traitements, et le public en vient à soupçonner un manque de franchise quant aux moyens disponibles. Le précédent des masques permet quelques soupçons.

Nous ne sommes pas des scientifiques. Nous ne sommes pas des médecins. Nous ne sommes pas des politiques. Nous sommes des patients potentiels ou déclarés. Et nous tous ne sommes sûrs de rien. Ne faudrait-il pas préciser les rôles de chacun ?
  • les scientifiques étudient, donnent des avis ; il leur faut un peu de temps, même s'ils font tous leurs efforts pour se hâter. Les résultats dont ils sont raisonnablement sûrs font avancer le monde vers la connaissance 
  • les médecins agissent sur le terrain à partir de leurs compétences, constatent des effets, tâtonnent, font remonter des avis et peuvent réagir dans l'urgence
  • l'urgence, c'est actuellement le domaine des politiques (pour une fois qu'ils peuvent montrer qu'ils sont efficaces) : après avoir été conseillés, ils doivent être transparents dans leur décisions, ils peuvent fixer des règles, autoriser, gérer, mais ils doivent surtout anticiper : pas seulement leur réélection éventuelle mais les temps à venir. La carence de masques était a priori la conséquence de gestions successives soumises à des courtes vues monétaires. Des politiques conscients du temps long et de leurs devoirs se seraient-ils laissés piéger ainsi ?
  • les patients, s'ils peuvent s'organiser sur le temps long, n'ont aucun pouvoir pendant les urgences. On les retrouvera après, pour remercier les soignants, pour se plaindre de carences, pour se révolter, s'ils en ont les moyens
Parce qu'on ne sait pas dans quel état sera le monde après la pandémie.


Une pensée pour celles et ceux qui, au contact avec le virus, ont bien moins de chances d'y échapper dans les prisons, dans les rues.


Une pensée pour les réfugiés sous des tentes et le froid, et sans accueil. Une pensée pour les habitants de pays au personnel politique indigne. Une pensée pour les pays qui n'ont tout simplement pas les moyens de faire face à la crise.

mercredi 1 avril 2020

Coronapente glissante 4


On a beaucoup écrit sur ces parisiens qui s'offraient des bains de foule et de soleil un dimanche ensoleillé où on leur demandait seulement de voter ; ces parisiens (les mêmes ?) qui ont ensuite perdu 17 % des leurs dans des résidences secondaires ou des locations. Les rues semblent vides, la circulation est clairsemée.


Imaginons : je suis infirmière en province, je bosse comme une malade, je reviens cassée à la maison pour trouver sur ma porte un message m'invitant à déménager le temps de la pandémie parce que mes voisins en télétravail ne souhaitent pas prendre de risques. Si ça se trouve, je viens de soigner un parisien parfumé au Covid 19 et je pourrais me dire qu'il n'aurait pas été plus risqué de partir faire du surf au lieu d'aller voter.


Imaginons : je suis médecin à Paris et je viens de me faire une journée éreintante. Pour rejoindre la station de métro la  plus proche, j'attends un vigile qui va m'escorter et m'éviter ainsi de me faire agresser sur le chemin. Dans la liste des métiers au contact, des emplois indispensables pour maintenir le fonctionnement de notre société, il faut penser aux gardes privés !