samedi 25 avril 2020

Covfiction

Il a glissé un œil prudent par la porte entrouverte. La rue restait silencieuse dans l'attente du jour qui s'annonçait dans le ciel. Il était encore tôt mais l'éclairage public était éteint depuis longtemps. Pour qui l'aurait-on conservé ?

Personne en vue. C'était jouable. Il s'est glissé dehors, a tiré la porte derrière lui le plus silencieusement possible. Il a descendu trois marches, vulnérable, visible, inquiet. Les premiers pas étaient toujours les plus difficiles. Dans ces rues désertes, le moindre mouvement se remarquait de loin. Il n'y pouvait rien. Il ne pouvait compter que sur le sommeil des voisins ou leur mansuétude, et la lassitude des agents de la BAC dans le petit matin.

Tourner à droite, filer plus loin, compter maintenant sur la chance dans ces espaces ouverts où on te remarque de loin sans pouvoir te reconnaître : jogging, capuche, baskets, comme tout le monde.
Courir maintenant, la foulée souple, le souffle maîtrisé, pour un moment de joie. Allonger, allonger, aller plus vite sans casser le rythme, sentir l'air passer, souffler, se concentrer dans les sensations du moment. Bientôt le canal et le couvert des arbres.

Ils l'ont vu venir de loin. Papiers d'identité, déclaration sur l'honneur, adresse, questions déplacées, bientôt la fouille s'il se rebelle. Les flics sont de mauvaise humeur à traîner ainsi sans pouvoir vraiment se convaincre de l'utilité de leur patrouille. Surtout qu'ils interviennent sur plusieurs communes et s'y perdent un peu. A côté, il est interdit de s'éloigner de plus de dix mètres de son domicile. Là, il ne faut pas s'asseoir. Ici, il est interdit de courir.


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