vendredi 3 avril 2020

Coronapente glissante 5

Biais....


Un scientifique, un professeur, atypique certes, et traînant dans sa carrière des difficultés relationnelles avec ses collègues. Et ses collègues justement, qui récusent ses études parce que leur déroulement n'aura pas respecté le protocole scientifique du temps long.

Le temps devant nous est court. Il faut agir à bon escient. Pas simple dans cet exemple : voici un médicament utilisé depuis quelques décennies dans différents traitements dont le paludisme. Ses effets secondaires, on les tenait pour acceptables comparés au bénéfice du traitement. Acceptables au point que ce médicament était en vente libre jusqu'à la fin 2019.


Il prétend que la charge virale de ses patients a diminué de manière notable ; il dit qu'il ne faut pas attendre pour administrer le traitement mais le faire dès les premiers symptômes ; il affirme qu'on pourrait contenir l'épidémie avec ce moyen peu onéreux et fabriqué localement.

Certains s'inquiètent : les malades qui ont déjà besoin de ce médicament pour un autre traitement craignent une pénurie. Va-t-on les mettre en danger ? A ce sujet, il en est pour remarquer que d'autres pays ont pris des mesures et commandent dès maintenant des quantités importantes . La pénurie serait pour bientôt et ils craignent qu'il n'y en ait plus quand la France se sera décidée à l'utiliser. La situation navrante des masques se reproduirait.


Enfin, il y a tous les scientifiques qui ne croient pas à ce traitement : il leur faut des essais rigoureux, des doubles aveugles, c'est à dire des comparaisons entre des malades traités et d'autres qui ne le sont pas, ce qui pose quand même quelques soucis d'éthique en temps de pandémie. Ils disent qu'un essai européen à grande échelle est en cours. On parle ici de nombres, de statistiques, de cohortes.

C'est à des raisonnements concurrentiels peut-être biaisés qu'on doit l'état actuel de l'utilisation du traitement :
  • il est administré à des malades très atteints quand son promoteur le prescrit dès les premiers symptômes,
  • il est l'objet d'un dénigrement quand on attend un espoir, mais il est pourtant administré vers Marseille, et largement
  • aucune étude ne semble envisagée qui reproduirait les conditions de son utilisation par l'équipe qui le promeut
  • les craintes que l'utilisation de ce médicament suscite ne sont pas toujours très nettes, ou, du moins, leur explication n'est pas toujours bien transparente
  • on n'est pas prêts, on n'est pas prêts pour les tests, on n'est pas prêts pour les traitements, et le public en vient à soupçonner un manque de franchise quant aux moyens disponibles. Le précédent des masques permet quelques soupçons.

Nous ne sommes pas des scientifiques. Nous ne sommes pas des médecins. Nous ne sommes pas des politiques. Nous sommes des patients potentiels ou déclarés. Et nous tous ne sommes sûrs de rien. Ne faudrait-il pas préciser les rôles de chacun ?
  • les scientifiques étudient, donnent des avis ; il leur faut un peu de temps, même s'ils font tous leurs efforts pour se hâter. Les résultats dont ils sont raisonnablement sûrs font avancer le monde vers la connaissance 
  • les médecins agissent sur le terrain à partir de leurs compétences, constatent des effets, tâtonnent, font remonter des avis et peuvent réagir dans l'urgence
  • l'urgence, c'est actuellement le domaine des politiques (pour une fois qu'ils peuvent montrer qu'ils sont efficaces) : après avoir été conseillés, ils doivent être transparents dans leur décisions, ils peuvent fixer des règles, autoriser, gérer, mais ils doivent surtout anticiper : pas seulement leur réélection éventuelle mais les temps à venir. La carence de masques était a priori la conséquence de gestions successives soumises à des courtes vues monétaires. Des politiques conscients du temps long et de leurs devoirs se seraient-ils laissés piéger ainsi ?
  • les patients, s'ils peuvent s'organiser sur le temps long, n'ont aucun pouvoir pendant les urgences. On les retrouvera après, pour remercier les soignants, pour se plaindre de carences, pour se révolter, s'ils en ont les moyens
Parce qu'on ne sait pas dans quel état sera le monde après la pandémie.


Une pensée pour celles et ceux qui, au contact avec le virus, ont bien moins de chances d'y échapper dans les prisons, dans les rues.


Une pensée pour les réfugiés sous des tentes et le froid, et sans accueil. Une pensée pour les habitants de pays au personnel politique indigne. Une pensée pour les pays qui n'ont tout simplement pas les moyens de faire face à la crise.

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