Il s'agit
aujourd'hui de laisser le bateau tout seul, perdu au bout de sa
chaîne et au milieu d'inconnus. Ce n'est pas facile, on s'inquiète
toujours un peu. D'autant que le temps est assez instable. En tout cas, la météo affiche que c'est le seul jour pour
relâcher notre surveillance. Alors nous partirons le matin,
reviendrons jeter un coup d'œil depuis le rivage en début
d'après-midi avant une nouvelle virée jusqu'au soir. Un port
rassurerait. Mais un port coûterait plus cher que la location d'une voiture.
La société de
location de voitures, nous la connaissons déjà : nous avions déjà
loué ici une vieille Panda il y a... longtemps, quand nous
naviguions à trois. Maintenant, nous sommes deux et les voitures y
sont plus nombreuses, en bon état, même si l'ambiance n'a pas
changé : la famille vit toujours à côté d'un bureau assez
informel, les jouets des enfants encombrent davantage que la petite
photocopieuse, l'ambiance est détendue et le prix plus bas que
l'agence voisine.
Nous voici
automobilistes pour la journée, d'une Clio Staria (je crois), un
modèle bas de gamme dépourvu d'autoradio mais "français
choisi exprès pour les français", en italien et avec un grand
rire.
Portoferraio, c'est
une petite ville italienne assez habituelle dès qu'on en a quitté
le centre historique : les immeubles gris, la circulation, les
scooters, les supermarchés Conad ou Coop, les zones industrielles
poussiéreuses et un peu de laisser aller, on les retrouve ailleurs.
Même si les bateaux
ne paraissent pas déverser des foules de touristes en cette saison,
nous allons très vite remarquer l'afflux de voitures allochtones, de
véhicules de location, de bicyclettes... On vient sur Elbe pour les
plages, les visites, le soleil, mais aussi pour la randonnée, le
cyclotourisme, la plongée, et manger. Il y a des terrasses à peu
près partout. L'est, plus couru, les remplit davantage mais en garde
certaines fermées en attendant la saison. L'ouest, plus circulant,
les ouvre à peu près toutes et distribue équitablement les clients
avec une table ici et deux tables là...
Les bourgs médiévaux
sont plus charmants qu'historiques, plus vivants que préservés.
Souvent sur les hauteurs, ils bénéficient d'un chouette point de
vue sur les maquis touffus, les montagnes et quelques échappées sur
la mer. Les ruelles étroites, les escaliers, les petites places, les
passages voûtés sous les immeubles, une ou deux portes des anciens
remparts, on y retrouve l'ossature de la cité moyennageuse
recouverte d'un crépi épais, lisse et coloré. On a soigné les
pavages de granit sous lesquels courent les réseaux, on a laissé
les fils électriques, on dératise, toute une population vit ici et
ce n'est pas un musée. C'est une urbanisation tassée dans laquelle
il vaut mieux bien s'entendre avec ses voisins. Les gens discutent
dans les rues, quand on les voit. Mais nous avons aussi circulé dans des
ruelles où nous n'avons croisé personne.
Nous n'avons pas vu
grand monde non plus dans notre échappée baladeuse dans la forêt.
Des châtaigniers, des résineux, des fougères, un ruisseau très
encaissé que l'on entend avant de le voir, des traces de sangliers,
partout des effleurements de granit.
Ce granite était
exporté et de grandes carrières ont par endroits balafré les
pentes. Des mines, tout un passé industriel, nous n'en verrons que
les grands bâtiments parfois ruinés qui encombrent les banlieues.
Ailleurs, on remarque plutôt un habitat dispersé dans la
végétation, les vignes et un peu de culture, les concentrations
plutôt vers les plages et dans les villes.
Parmi celles-ci, des
mentions particulières pour :
- Portoferraio, son
joli port, sa vieille ville, quelques marchands de glaces, sa
banlieue industrieuse, la vue d'en haut, peut-être la meilleure
raison pour aller visiter les monuments de son histoire militaire ;
- Capoliverie,
perchée, elle associe de manière plus harmonieuse qu'ailleurs les
magasins pour touristes et son environnement. Il fait bon rester sur
certaines terrasses mais nous ne sommes pas en pleine saison ;
- Porto Azzuro, et
son joli mouillage ;
- Rio Nell'Elba,
tout là-haut et un peu à l'écart des circuits, semble-t-il, avec
de vraies gens, des boutiques pour les autochtones et les services
d'une petite ville de montagne mais aussi les ruelles, les passages,
une vue sur la mer.
Bien sûr, il
faudrait recenser les bourgs : San Ilario, Poggio, Magazzini,
histoire de commencer à ressembler à la compilation d'un guide
touristique. Pour le guide nautique, on noterait que les mouillages
du sud sont amputés des meilleures places par des bouées de
protection des plages très éloignées du bord ainsi que quelques
champs de corps-morts.
Et pour compléter
le tableau de notre point de vue, il resterait la météo qui est
celle d'une période instable : nous sommes sous l'influence de
perturbations qui se succèdent. Celles-ci, plus proches, amènent du
vent ; celles-là, plus lointaines, de la houle. Toutes nous posent
la question des jours prochains.