dimanche 12 juillet 2020

Traversée


Nous continuons notre balade vers le nord. L'Est de la Corse nous offre encore des perspectives sympathiques jusqu'à Solenzara mais, après, longer cette côte basse vers Bastia ne nous attire pas trop.


Plus à l'Est, Elbe nous semble plus judicieuse. Pour la même distance que Bastia, nous pouvons avoir un bassin de navigation plus intéressant. De plus, la météo prévoit des vents de Nord et Nord-Est qui nous mettront à la peine pour chercher des abris. Dans quelques jours, nous pourrons revenir vers le Nord de la Corse quand nous le voudrons ou bien, éventuellement, faire un tour dans le golfe de Gênes. Quelques grandes étapes seront alors nécessaires, même si nous privilégions les sauts de puce.


Donc, Elbe. Un trajet de plus de presque 90 milles depuis Porto Vecchio. Nous l'allongerons un peu avec un petit détour d'une heure vers Solenzara pour faire le plein de gasoil et un peu d'eau.
L'eau, c'est un peu partout, un peu toujours que nous la cherchons. Contrairement à de nombreux plaisanciers, nous ne remplissons pas de grande réserve mais cherchons plutôt à récupérer régulièrement le contenu d'un bidon. Une habitude un peu contraignante qui nous permet d'avoir toujours le plein d'eau, ou à peu près.


Départ le matin, assez tôt. Il nous faut être à Solenzara aux alentours de midi pour repartir vers Elbe et arriver avant les vents contraires. Ce matin, il n'y a quasiment pas de vent, comme prévu. Ce sera moteur. Et nous espérons un peu de sud-est cet après-midi avant du nord faible dans la nuit, puis du nord-est à l'arrivée. Il va falloir nous glisser entre les îles de Pianosa, Monte Cristo et le récif de Scoglio di Africa et dans la trame de ces vents et il semble que ce soit le bon jour. Demain, ce sera trop tard avec des vent de face toute la journée, des vents qui devraient se renforcer et nous coincer encore quelques jours dans le sud de la Corse si nous restions encore un peu. C'est la bonne fenêtre pour partir.


4 heures et demie de moteur aidé par deux voiles qui font ce qu'elles peuvent dans un souffle d'air, une matinée pour rejoindre le port de Solenzara, endormi derrière sa jetée de gros cailloux jetés dans la mer. La station est juste à gauche, en entrant. Elle nous propose du carburant, on mendie un peu d'eau. On peut rester le temps d'aller acheter un peu de pain à la boulangerie proche et discuter un peu dans le bureau climatisé où il fait presque frais. Il semble que la fréquentation soit bien molle et qu'il n'y ait pas la foule habituelle au port, que les italiens eux-mêmes soient absents. On discute un moment Covid 19 et ses conséquences, on évoque l'absence de gestes de précaution dans les magasins corses, on bavarde un peu...


Départ un peu avant 13 heures par un léger souffle de Sud-Est, un vent de travers pour nous qui tentons de l'exploiter du mieux que nous pouvons. Ce sera un déjeuner silencieux, sans le moteur. Le déjeuner et l'absence de bruit ne dureront pas, ou alors il faudrait prévoir une arrivée tardive. Quand la vitesse passe au dessous de 3 nœuds, la machine est lancée. Elle tournera jusqu'au bout.

L'après-midi passe à la lecture pendant que le pilote automatique fait le travail. On croise d'abord la route de quelques bateaux de plaisance qui descendent la Corse tout droit sans infléchir leur route vers Solenzara. Un peu plus tard, dans le canal entre Corse et Elbe, ce sera le tour des cargos et ce sera notre tour d'infléchir notre route pour éviter une rencontre. Pas moyen de discuter avec ces monstres de 150 mètres de long qui avancent sur des rails à une quinzaine de nœuds. Il vaut mieux que nous prenions quelques précautions. D'autant que nous croisons le premier en soirée mais les suivants attendront la nuit. Lumière rouge ? Lumière verte ? Ils passeront derrière ou devant ? Ils ne sont heureusement pas très nombreux mais nous devrons deux fois modifier notre route.

La nuit tombée, la première lumière, parce qu'on la guette, est celle du récif Scoglio Africa : un "FI W 5s", c'est à dire un feu intermittent blanc qui fonctionne sur une période de 5 secondes. Du côté de la Corse qui s'est transformée en ombres chinoises, quelques lumières percent, des phares et des bourgades.


Monte Cristo se dresse au loin. L'île est interdite à part pour quelques visites guidées. En tout cas, il semble que notre bateau n'ait rien à y faire. C'est une réserve intégrale où les chèvres, les serpents, les plantes endémiques jouent le plus librement possible. Monte Cristo, vue d'ici, n'est pas tellement engageante.


Pianosa non plus. Contrairement à Monte Cristo, cette île est assez basse. Comme d'autres îles toscanes, elle abrita un pénitencier de haute sécurité. Il semble que celui-ci soit fermé et qu'on puisse visiter l'île maintenant. Mais nos documents nautiques la signalent toujours interdite. On en verra son phare et une lumière sur un bâtiment. C'est la nuit : impossible de distinguer autre chose, juste deviner une masse sombre quand on la passe autour de deux heures du matin.

Et puis nous sommes occupés : d'abord le vent est revenu, de Ouest-Nord-Ouest. On a gardé le moteur mais mis les voiles au près serré. Ca avance bien. Et puis il faut commencer à faire attention aux bateaux. Ce ne sont plus les cargos qu'on guette mais les bateaux de pêche dont les trajectoires sont souvent sinueuses et difficiles à prévoir.

Avant trois heures, nous aurons rangé le génois : vent de face. Trois lumières vives sur l'eau, vers notre avant et sur bâbord : ce sont des bateaux qui pêchent ensemble au lamparo. Ils vont nous accompagner un bon moment.

Elbe approche. Nous voyons les lumières des agglomérations et celles des phares. Capo Moro : "FI 5 s 160 m 16 M". Le début de la traduction est facile pour ceux qui suivent ! Feu intermittent d'une période de 5 secondes. La suite ? La lampe est à une hauteur de 160 mètres au-dessus de l'eau et sa lumière porte en principe à 16 milles.

Avant, les phares, on passait son temps à les relever au compas, on traçait des demi-droites sur la carte pour déterminer le plus précisément possible notre position, on guettait la moindre balise après avoir cherché ses caractéristiques dans le "Livre des Feux". Le GPS a bien simplifié la navigation  en nous positionne d'après nos coordonnées : 42°45,60'N et 10°19,30E. Hop, on reportait ce point sur la carte et c'était déjà très bien. Maintenant, la carte est sur un écran où se balade un bateau ou une flèche dans un paysage en deux dimensions. C'est magique, d'autant que nous avons ainsi notre vitesse, notre cap, la distance au point d'arrivée, le temps qu'il nous reste...


Et d'ailleurs, on va ralentir un peu pour arriver en plein jour pour trouver un endroit où mouiller. Ce sera plus facile qu'en pleine nuit. L'ancre est posée dans Golfo Stella un peu avant 7 heures. Nous aurons mis 18 heures depuis Solenzara.


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