lundi 8 novembre 2021

Jeudi 4 novembre, les membres du groupe

 Nous partons avec une famille amérindienne qui rassemble quatre générations dans une expédition de chasse. Je ne sais pas quels sont les objectifs que s'est fixé chaque membre de l'équipe mais j'imagine qu'il s'agit de chasser et pêcher ensemble, montrer les Taluakem à celles et eux qui ne l'ont jamais vu.

Jeudi 4 novembre, avant dernier jour de pirogue. Ce matin, deux arrêts chasse et pêche. Le poisson-chat, c'est bon et ça n'a pas d'arêtes, je l'apprendrai à midi.


Repas, baignade, café dans le désordre et on repart pour 4 heures de pirogue. Pas confortable la pirogue. Au bout d'un moment, on ne trouve plus sa place, les fesses sont douloureuses, le dos se ramollit, on se contorsionne pour changer de position, on se protège du soleil comme on peut avec un tissu et du produit solaire (Lamori l'utilise lui aussi, ainsi que la pommade anti-inflammatoire pour son genou qui le fait souffrir). Le Maroni est plus large, nous avons franchi plus d'une quarantaine de sauts et maintenant (16h environ ?) nous filons sur une surface à peu près lisse.

Il y a toujours ces gros rochers qui crèvent la surface. Et puis nous avons des îlots de sable grossier, vestiges du travail d'orpailleurs qui ont fouillé ici.

J'ai déjà évoqué les bouteilles d'eau que nous préparons pour la journée. Remplies dans le courant du fleuve, à une bonne main de profondeur pour éviter les déchets flottant à la surface, elles sont stérilisés avec une pastille. Ça n'empêche pas leur contenu d'être trouble et parfois un peu chargé. De toutes manières, l'extérieur de la bouteille a subi la boue, le soleil, les chocs et la poussière. Ce n'est pas vraiment net tout ça. Les Amérindiens trempent leur timbale dans le fleuve et boivent simplement. Et dans la bouilloire ils se contentent de faire monter la température de la boisson sans chercher à faire bouillir.

Ils sont évidemment beaucoup plus organisés que nous le sommes, et pourtant semblent désordonnés. Tout reste en place, un sabre, une assiette, des casseroles. Beaucoup de temps est consacré à la nourriture : préparation du gibier, conservation, feu. C'est une autre société de l'abondance, en miroir de la notre. Ici, la nature est abondante, le bois est abondant, le gibier aussi, on consomme beaucoup. En ce qui concerne les viandes boucanées, je crois qu'il s'agit d'en préparer le plus possible pour les apporter au village et les partager avec ceux qui n'ont pas eu la chance d'une expédition de chasse. D'où l'idée de chasse à outrance.

Nous n'avons pas vu les femmes chasser. Elles s'occupent de la plus grosse part de la préparation du gibier et font preuve d'une grande efficacité. Les hommes peuvent les aider à tout, la préparation mais aussi la cuisine, allumer le feu, plumer, selon les besoins.


Les enfants jouent souvent dans l'eau. L'éducation à base d'exemples, de remarques, est bienveillante (à condition de ne pas gaspiller la nourriture - et Eunice l'apprend à ses dépens quand elle se fait fâcher bien plus fort que d'habitude). Les parents surveillent les enfants à distance mais en ce qui concerne Evans, le bébé de 9 mois, Célia s'en occupe tout le temps quand il est réveillé. Il est étonnamment silencieux.

Sa mère, Célia, 15 ans, est encore une adolescente qui nous adresse la parole le moins possible. C'est la seule à être ainsi franchement réservée. Le père, Dylan 19 ans, bon francophone, est communicatif, il nous donne des indications sur la baignade, les animaux. C'est le bosman de la pirogue, à l'avant, à manier la perche ou la pagaie selon les besoins.

C'est aussi un passionné de chasse, comme son compère Lulika qui a le même rôle sur la pirogue de Minès. C'est, je crois, un Indien d'origine brésilienne qui vit en couple avec Aminata, sa cousine et la nièce de Eusseuteu, la femme de Minès. Lulika maitrise moins bien le français.

Aminata est de toutes les corvées. Est-ce son caractère ou un rôle qu'elle doit assurer ? Elle aussi parle le français mais reste très discrète.


 J'ai trouvé les relations dans les 3 couples faciles. Il y a beaucoup d'échanges, de sourires, de complicité. Esseuteu est très active, capable d'organiser les carbets comme de diriger la pirogue. Elle ne sourit pas facilement et il nous a fallu plusieurs jours pour mesurer qu'elle comprend plutôt bien le français et le parle avec un peu d'hésitation. Disons que Célia fait un peu la gueule et que Esseuteu ne fait pas beaucoup d'efforts. Elle est pourtant capable de sourires resplendissants, surtout envers son petit-fils Evans.

Minès est le plus facile pour nous, son amitié avec Florent est un avantage. Il parle doucement un bon français, fait attention aux gens, plaisante, se montre amical.

C'est un artiste qui crée des ciels de case, des pagaies et d'autres objets décorés de manière traditionnelle.

Il expérimente, par exemple sur des tissus tendus. Il a travaillé dans le collège de Maripasoula et expose en Guyane.

Lamori, son père, dirige l'expédition. Il connaît le fleuve, les forêts. Il a accompagné des scientifiques dans les Tumuc Humac. Son français n'est pas toujours facile mais on se comprend. Il est né en 58, c'est le patriarche qui bouge, chasse, couche seul dans son carbet, plaisante, accueille les autres avec de grands cris de bienvenue.

D'ailleurs tous sont souvent de bonne humeur. Les relations avec nous sont plus faciles qu'au début, par exemple avec Gabriel et Eunice, les enfants de Minès et Eusseuteu.

Ils ont compris à qui ils avaient affaire, alors ils nous prennent en charge sans le montrer trop.


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