dimanche 21 novembre 2021

Les îles du Salut

On l'appelle le bagne de Cayenne, c'est d'ailleurs à peu près tout ce qu'on connait de la Guyane avec les insectes, les mygales, les serpents, la forêt... Une liste limitée, bien sûr, mais la Guyane, c'est un peu notre point aveugle de la France, département 973.

Alors ce bagne. Il n'était pas du tout à Cayenne. Les bagnards arrivaient à Saint-Laurent du Maroni d'où ils pouvaient être assignés à d'autres emplacements, des lieux plus ou moins proches de l'enfer, où l'espérance de vie pouvait être en moyenne de cinq ans. Cinq ans ou beaucoup moins pour ceux qui étaient par exemple en forêt. Si j'ai bien compris, on pouvait y travailler nus, histoire de... Histoire de quoi ? Eviter les évasions ? Punir ? Torturer ? Ça dépend des époques, expier et coloniser, ou faire disparaitre et punir. La troisième république fit pire que l'empire.

Si l'esclave s'achetait, le bagnard devait être disponible pour moins cher ; réduit à son matricule d'après Seznec, moins qu'un esclave sans doute, moins qu'un homme, jetable.

J'imagine qu'on se préservait une bonne conscience comme on pouvait. Les religieuses du couvent des îles du Salut, qu'en pensaient-elles ? Les curés, les médecins de la marine, les autres, tous les "libres" ? Il reste les murs de l'hôpital, plutôt bien foutu, cet hôpital, mais pas pour tout public. Les pavillons des administratifs, des gardiens en famille, les chambres des gardiens célibataires, l'église, et même le logement pour les visiteurs, tout était bien organisé pour gérer l'horreur.

Le cimetière des enfants est tout proche de notre logement. Les bagnards, eux, étaient jetés à l'eau. Il faut comprendre : la place était limitée, il fallait gérer au mieux. D'autant que même ici, sur l'île du Salut, on trouvait un quartier des condamnés à mort, une guillotine dont il subsiste les plots pour l'installation.

Ici, il en reste une ambiance de vacances. Les chambres se louent, le restaurant bénéficie d'une belle vue sur l'océan, l'île du diable est bien mignonne avec ses palmiers et la cabane de Dreyfus, le port est fréquenté par quelques catamarans qui font la liaison avec Kourou ; on vient pour se détendre, passer un moment hors du temps, loin des contraintes.

Si l'eau était plus claire, la Guyane serait envahie par les hôtels ou les marinas. Les grands fleuves et les courants charrient trop d'alluvions pour espérer une eau bleu et limpide. Tant pis pour les plongeurs, tant pis pour l'économie du tourisme de masse.

Ouaip. C'est quand même l'île du Diable où Dreyfus passa quatre ans. Nous avons connu l'endroit bien tranquille vendredi, nous l’éviterons samedi soir.




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