vendredi 31 juillet 2020

La Ciotat



La première fois que nous avons baladé notre ancre vers la Ciotat, nous avons mouillé dans l'anse du Mugel, une échancrure dans le rivage coincée entre la digue du port industriel et le Bec de l'Aigle, un gros massif plissé vu de la ville, une falaise depuis la mer. L'anse du Mugel, ce n'était pas un bon mouillage avec des gros blocs qui pouvaient coincer l'ancre sous une eau très claire. C'était assez tranquille, du moins dans mon souvenir.


L'anse est désormais interdite aux bateaux, les chantiers du côté de la ville se sont reconvertis dans le yachting de luxe. Du côté du Mugel, il reste de grands terre-pleins, des bâtiments immenses et désaffectés, une histoire empoussiérée qu'on va reconvertir en un "yachting village". Des engins de chantier sont déjà là. Les ambitions de la ville se lisent dans les immeubles déjà construits dans le voisinage, le front de mer, le début d'un quai d'honneur...


L'anse du Mugel existe toujours avec sa petite plage où on ne se soucie pas plus de distanciation physique que sociale. On y vient à pied, en couple ou en famille, avec son matériel, une planche, un parasol, un siège, des palmes ou une glacière. La petite robe blanche côtoie le voile, tous ont envie de passer un bon moment sur le sable ou les rochers, et de se baigner dans une eau limpide sous les pins. On est loin de la plage stérile : on trouve des arbres et de l'ombre, et même le restaurant évite de manger tout l'espace. 


Pour les promeneurs, l'entrée du parc du Mugel, c'est à côté, avec des allées enfouies dans la végétation. Certains se trouvent une clairière pour lire, d'autres grimpent aux belvédères de bec de l'Aigle par des sentiers de calades.






mercredi 29 juillet 2020

Le Sicié et La Ciotat



Aujourd'hui, ménage. C'est le moment de décrasser la cuisinière, laver les sols, secouer les tapis... Nettoyer, ranger pour éviter de passer son temps à le regarder. Lui, le cap Sicié. Il se voit de loin, de très loin. C'est un grand machin massif qui domine les environs et s'enfonce dans la mer. Quand il fait mauvais, que le vent souffle, la mer devient dure dans les parages et il vaut mieux s'écarter assez loin du cap.

Quand il fait calme comme aujourd'hui, on le voit durant des heures avec l'impression de ne pas s'en approcher. Il met longtemps à défiler, sombre, abrupt avec quelques éboulis, deux ou trois constructions pas engageantes. Certains le connaissent bien et vont se blottir à son pied avec leurs embarcations pour pêcher ou passer un moment. Nous l'évitons. Moteur parce qu'il y a peu de vent et... ménage !

Quand la paroi du Sicié a enfin glissé vers l'arrière, nous trouvons les Embiez, une île privée mais ouverte aux visites, un chouette endroit, côtes rocheuses, petites plages, balades à terre. Nous allons plus loin, vers la Ciotat.


Ce port industriel, ses chantiers navals se sont reconvertis. Les grandes installations visibles de loin sont dévolues au yachting de luxe, et ça marche. La Ciotat a réussi sa reconversion. Et la France concentrerait presque la moitié de la flotte mondiale qu'on voit se rassembler dans la région pour certains évènements comme le festival de Cannes ou le grand prix de Monaco...


La Ciotat se gentrifie un peu. Les estivants sont là en nombre aux terrasses du port et dans les rues étroites de la vieille ville. Des immeubles sont refaits. Il reste pourtant cette ambiance particulière d'une ville qui n'est pas encore entièrement tournée vers le tourisme : maisons de quartier, écoles, centre culturel, locaux associatifs ou syndicaux, cinéma, et les rues ne sont pas encore toutes tapissées de boutiques à fringues et de bistrots. Ca va venir, bien sûr.


La Ciotat offre aussi l'avantage de proposer une grande baie pour mouiller à l'abri du vent et à peu de distance du centre ville. Nous nous y abritons pour la soirée de mardi et tout mercredi parce que la météo prévoit du vent de face. Nous préférons attendre jeudi pour avancer vers l'ouest. Mais l'autre particularité de la Ciotat, c'est l'espèce de petite houle insidieuse qui fait rouler les bateaux dans cette baie et ne facilité pas le sommeil. C'était le cas cette nuit. D'où vient-elle, cette houle ? Le temps est calme et pourtant on se retrouve à se cramponner dans notre lit. Dire que les bébés semblent contents d'être bercés ainsi. En ce qui nous concerne, on apprécie beaucoup moins.



lundi 27 juillet 2020

Il fait chaud... et c'est le plein été


Ce titre pour confirmer notre peu de goût pour la navigation entre mi-juillet et mi-août. Ce n'est pas qu'un problème de température même si je souffre un peu au-dessus de 30 degrés. C'est aussi, et surtout, un souci de fréquentation. Il y a du monde partout. C'est une foule de touristes, de plaisanciers, de bateaux et leurs équipages, d'inconnus. Parce l'afflux entraîne l'indifférence aux autres. On mouille où on peut, par exemple aujourd'hui dans la baie des Langoustiers sur l'île de Porquerolles. Cet endroit est habituellement joli. Mais là, il faut se glisser entre deux coques, faire attention en posant son ancre à rester à une distance suffisante de ceux qui sont déjà là, autour. C'est pénible, ça gâche l'ambiance.

En bateau, le dernier arrivé au mouillage est le bizut. Si ça se passe mal, c'est lui qui recommence, qui s'adapte, qui repart. Par exemple, nous arrivons, mouillons de manière un peu approximative, trop près d'un de nos voisins. Lequel voisin fait la gueule. Eh bien, c'est à nous de repartir et de chercher ailleurs. Le voisin en question ne doit pas être dérangé ; il était déjà là. C'est la théorie mais il est évident que les différentes situations ne sont pas toujours aussi simples.

Ainsi, il fait chaud et nous sommes au Langoustier, à Porquerolles. Il y a un monde fou ; on se croirait dans un camping. Et nous sommes sur le retour. Encore une ou deux étapes et ce sera notre port d'attache, la fin de la balade de cette année.

dimanche 26 juillet 2020

La baie des Canoubiers


A la sortie du golfe de Saint-Tropez, au sud, c'est là, juste à côté de la ville dont elle est séparée par le promontoire du cimetière. C'est un refuge pour nous, un coin de balade à la journée pour d'autres. Nous sommes bien forcés de côtoyer les vedettes à moteur, les pneumatiques plus longs que notre voilier, les yachts à l'exhibe, les villas éclairées comme des yachts, les bateaux qui promènent les touristes devant "la maison de Brigitte Bardot, et la maison suivante..." pour un laïus immuable et "people".


C'est très calme ce matin. En cette saison, l'état de la mer est davantage influencé par les remous des vedettes, même très au large, que par la météo. La fin de la matinée sera rouleuse et ça durera jusqu'au soir. Avec un peu de chance, si le bateau est disposé face aux vagues, on s'en tirera avec un tangage assez supportable même si le passage du pont à l'annexe peut s'avérer acrobatique. Avec moins de chance, si le vent nous oriente travers à la vague, la situation deviendra très rouleuse, au point de compromettre l'équilibre à bord. C'est un prodige motorisé d'indifférence aux autres et à l'environnement.

Encore un ou deux jours pour sortir de cette région mal famée. On attend ici la fin du vent d'ouest pour partir vers la rade d'Hyères et pour nos derniers jours de navigation. Une dernière petite dépression va naître cet après-midi dans notre voisinage pour s'éloigner doucement. Demain, le temps devrait nous être favorable.

samedi 25 juillet 2020

Retour


Le trajet vers l'ouest commence. Nous sommes de retour en France, nous revenons à notre port d'attache, doucement, tout doucement parce que nous serons à l'envers des vents dominants et le temps va se charger de nous le rappeler durant les prochains jours.

Pour aller aux Lérins, tout se passe bien : le temps est beau, le vent léger nous impose d'appuyer les voiles avec le moteur. Dommage.


Nous revenons dans une zone hantée par les vedettes de toutes sortes, les grandes de plus de 50 mètres et les plus petites. Mon racisme se réveille envers ces monstres écologiques qui avalent du gasoil par centaines de litres (et plus) et brassent les plans d'eau en toute impunité. Il faut voir et ressentir les vagues soulevées par ces engins. Il est difficile d'imaginer les dégâts qu'elles causent aux bateaux alentour et à l'environnement. C'est are quand même étonnant que personne ne s'émeuve du problème.

Il est rare que les pilotes de vedettes soient très fréquentables. En gros, les petits trimbalent insouciance et incompétence avec bonne humeur ; les gros font plutôt dans le mépris et l'outrecuidance. Comme le dit S, "quand on sait que ces gens-là sont des décideurs, ça fait peur". Les voir vivre est souvent édifiant.


Après deux jours aux Lérins puis une étape difficile et sportive jusqu'au golfe de Saint-Tropez, nous voici dans la baie des Canoubiers. C'est notre abri en attendant des conditions qui nous permettent de repartir vers l'ouest. C'est aussi à côté du trajet des vedettes de toutes tailles qui font la navette entre le port de Saint-Tropez et la plage de Pampelonne. A chaque passage de vedette qui exhibe ses chevaux, ça brasse. Un bonheur...



mardi 21 juillet 2020

Traversée


85 milles. Nous avons déjà fait largement plus long. C'est d'ailleurs cette distance inférieure à 100 milles qui nous a incités à éviter de passer une nuit entière en mer.
Mais même avec le projet d'arriver en début de nuit prochaine, ce fut dur de nous lever à 2 heures du matin. Le manque de sommeil était d'autant plus marqué qu'une méchante petite houle nous a ballottés quand nous voulions dormir. Et puis se lever et partir sur un pont tout humide dans une nuit sombre car sans lune, où il fallait éclairer la moindre de nos actions : préparer le mât, remonter le mouillage, nous faufiler à côté du haut fond voisin pour partir vers le noir.... Bof.
Le vent était limite, les débuts ont été laborieux. Il a fallu se dérouter pour pouvoir établir les  voiles et, même ainsi, ça n'avançait pas bien vite, et nous craignions que le vent refuse et qu'on se retrouve à tenter de le remonter avec notre petit moteur.
Quelques bateaux ont montré leurs lumières à décrypter. Nous avons croisé un voilier et distingué seulement ses voiles à quelques mètres. Heureusement,  ses feux de navigation étaient visibles de loin.
Des voiliers qui traversaient,  mais dans l'autre sens vers la Corse, il y en eut trois,  les deux derniers dans la journée.
Une journée pendant laquelle, malgré nos craintes,  le vent ne nous a pas abandonnés. Il a même fini par bien vouloir varier un peu et nous permettre de faire une route directe. Bien gentil le vent ! Mais il s'agissait en plus d'aller vite pour arriver le soir, alors ce fut voiles et moteur pour rattraper le temps perdu du début de parcours. 3,5 nœuds d'abord et puis la moyenne est montée à 4,3 nœuds en fin d'après-midi.  Là, nous filons plus de 5 nœuds vers San Remo avec l'espoir d'arriver bien avant la nuit et, surtout,  d'y trouver une place.

Ajout du lendemain matin
Nous sommes arrivés vers vingt heures trente, bien contents à la fois de trouver un endroit où nous poser et d'être allés si vite : nos 4,6 noeuds de moyenne nous ont permis de faire le trajet dans la journée et de le compléter par un petit tour en ville à la nuit.

Barcaggio


Macinaggio, c'était pour une soirée. Et puis ce matin, nous sommes partis à la voile, tout doucement d'abord, puis un peu plus vite vers le bout de ce doigt que la Corse pointe vers le Nord. Il s'agit du Cap Corse, un endroit où la météo peut jouer des tours, un endroit de landes, de vieilles maisons grises, de pierres et de creux de sable.


Tout en haut, face à l'îlot de la Giraglia, il y a Barcaggio : un petit port, une baie plus ou moins protégée, une plage très fréquentée ce dimanche, à la fois par les plaisanciers et par les baigneurs qui peuvent garer leur voiture au bourg.


Le bourg a gardé sa grisaille, ses allures vieillottes mais il a gagné des restaurants, des snacks, des buvettes, des terrasses, enfin tout ce qu'il faut pour poser ses fesses et avaler quelque chose. Barcaggio est beaucoup plus fréquentée que je ne l'avais escompté.


A part la plage, la vue magnifique sur la côte rocheuse, il ne semble pas qu'il y ait grand attrait pourtant. Il fait chaud et sec aujourd'hui ; j'imagine qu'il fait frais et du vent en hiver. Pas froid, non, c'est encore une région où on peut installer les machines à laver dehors sans craindre le gel. Avec les reliefs mal habillés d'une végétation rase, les buissons piquants et la terre sèche, l'endroit n'est pas riant, un peu âpre.


Ca fait bien longtemps que nous voulions y passer mais le temps n'était jamais avec nous. C'est bien chouette d'avoir pu nous attarder ici une journée et un début de nuit.




dimanche 19 juillet 2020

Macinaggio


Neuf heures et demie de navigation pour rejoindre la Corse depuis Portoferraio. Notre trace n'est pas directe : nous avons d'abord profité du vent de Nord-Est pour avancer le plus possible au vent arrière, voiles en ciseaux (c'est à dire l'une de chaque côté) et puis le vent nous a laissés tomber et la suite s'est faite au moteur en route directe vers Macinaggio.


Nous sommes maintenant en Corse. A Macinaggio, le port est trop important pour le bourg, en réalité réduit à un front de mer pour les estivants et une ou deux rues en retrait pour les habitants. Quelques immeubles bas ajoutent une touche un peu démodée à un ensemble un peu disparate, refait tout beau devant le port, grisâtre et un peu abandonné ailleurs.


Un peu plus loin vers l'intérieur, il y a un groupe scolaire, un supermarché, quelques services... J'ai l'impression d'un habitat dispersé dans les collines alentour.


Ile d'Elbe (2)


Notre fréquentation des mouillages nous fait éviter d'entrer dans les ports. Ceux-ci offrent de nombreux avantages mais coûtent trop cher pour nous (particulièrement en Italie mais la France n'est pas mal non plus) et, s'ils permettent plus facilement les rencontres, ils imposent également une promiscuité qui ne nous attire pas trop. Et puis, en été, il faut bien les occuper ces touristes. C'est ainsi qu'on subit les avanies des animations de masse, la foule. Un côté où les Italiens peuvent faire très fort...


Il nous arrive de mouiller à proximité. Quand ils ne sont pas artificiellement gagnés sur la mer comme Solenzara, en Corse, les ports ont été bâtis de manière progressive dans des coins déjà abrités. S'ils ne prennent pas toute la place disponible, on peut profiter partiellement de l'abri de la côte.
Marina di Campo, Porto Azzurro, sont à la fois des ports et des lieux de villégiature avec une petite ville qui aligne des boutiques mais conserve son bâti traditionnel plus ou moins remarquable.


A Porto Azzurro, la forteresse espagnole fait vaguement oublier son rôle de pénitencier (c'est fou ce qu'on a pu déporter sur les îles), une citadelle bien décrépie et sans charme. Les banlieues grandissent. L'environnement est superbe (on est sur Elbe quand même : côtes rocheuses, plages, pins, maquis et montagnes).


Portoferraio est "la capitale" de l'île : cette ville possède une grande rade bien protégée et un joli port en arc de cercle abrité par les hauteurs de la vieille ville où l'architecture militaire est omni présente.  C'est aussi là qu'arrivent la plupart des ferries du continent et c'est mins joli et beaucoup plus puant. Une pollution olfactive et sonore dont les habitants souffrent sûrement.


Parce qu'à Portoferraio, tous ne vivent pas directement du tourisme et c'est bien agréable d'être dans un endroit où il y a une vie sans nous, les passants. Certains endroits sont gris, les rues peuvent être étroites, l'hôpital est un bâtiment grisâtre surmonté de ce qui n'est pas un trampoline mais sans doute une zone d'atterrissage pour hélicoptère qui présenterait l'avantage d'isoler du soleil. Napoléon a laissé des traces dans la ville et dans l'île mais je ne suis pas certain que les ados qui jouent au foot dans un terrain coincé sous les vieilles casernes y pensent encore.


A Portoferraio, nous sommes venus plusieurs fois. Nous savons où nous mettre, nous connaissons ce vieux quai abandonné où nous pouvons laisser l'annexe avant de nous faufiler entre des vieux bâtiments industriels pleins de courants d'air et de déchets pour nous retrouver sur la route, devant un grand supermarché et à peu de distance du port et du centre ville. C'est bien pratique.


mardi 14 juillet 2020

Ile d'Elbe (1)


Trois grandes baies indentent la façade sud d'Elbe. Dans la plus grande et la plus à l'Est, un petit port bien joli, bien sympathique, nous sert de base dans l'anse de Margidore près de Lacona. Nous allons y rester deux jours. Pas au port, mais au mouillage devant, maintenant qu'on a compris où il y a du sable (c'est bon pour l'accroche des ancres) et où les herbes longues couvrent des roches et des failles (c'est assez mauvais pour l'accroche ou alors on se retrouve avec l'ancre coincée et difficile à récupérer). Nous nous étions d'abord installés au mauvais endroit et sommes venus ensuite plus près du port sur un coin bien comme il faut.


Il faut aussi apprendre les règles des bateaux qui commencent à être nombreux, été oblige. Il semble que les italiens quittent leur mouillage entre le milieu et la fin de la matinée pour aller vivre leur vie de marins en mer ou dans des mouillages plus précaires où il fera bon pique-niquer tranquilles. Ils reviendront en deuxième partie d'après-midi pour la nuit. On trouve des places entre 10 heures le matin et 15 ou 16 heures. Arrivés de notre traversée au petit matin, c'était trop tôt et nous n'avions pas le choix de l'emplacement.

Pour les jours prochains, il s'agira de profiter de ces habitudes locales pour gérer nos mouillages. Un aperçu rapide de la météo prévue pour ces prochains jours nous incite à penser que nous pourrions  bien rester une semaine sur l'île avant d'avoir des conditions favorables pour la quitter.

Il va falloir trouver aussi bien qu'à Lacona, à la racine de la péninsule du même nom. Après le petit port (charmant - où on peut laisser l'annexe sans souci), la zone touristique présente l'intérêt très relatif de campings (piscine, musique toute la journée), d'hôtels et de boutiques à touristes, ainsi qu'une épicerie bien pratique.


Il faut aller plus loin pour rejoindre la partie protégée par une réserve nationale où les véhicules à moteur sont interdits et les chemins bien agréables, à la fois pour l'ombrage procuré par les arbres et la vue qu'ils proposent sur les environs : les baies Stella et Lacona, les îles Pianosa, Monte Cristo, Giglio, au loin la Corse qui barre l'ouest d'un bleuté lointain.


On finit sur des sentiers de maquis en bout de péninsule mais, avant, on aura marché sur de beaux chemins bien ouverts, bien carrossables (mais il n'y a pas de véhicules), ombragés, que nous imaginons avoir été aménagés pour des domaines privés du temps où on plantait des eucalyptus un peu partout quand on était riches (voir les îles des Lérins). Près de l'extrémité de la péninsule, les arbres sont diversifiés et tordus par le vent, asséchés par l'été. Puis ils restent bas et forment un maquis opiniâtre et piquant. A nous d'imaginer les fleurs probables du printemps.


L'apnéiste Jacques Mayol s’entraînait tout près d'ici pour vexer les dauphins au siècle dernier. Il semble que son fils accueille les résidents dans un domaine proche. D'ailleurs, des groupes de plongeurs, il y en a qui partent tous les jours du petit port voisin. Une grosse barque propose des excursions, deux bateaux appartiennent à une association qui organise des croisières avec observation des cétacés (garantie ?).

dimanche 12 juillet 2020

Traversée


Nous continuons notre balade vers le nord. L'Est de la Corse nous offre encore des perspectives sympathiques jusqu'à Solenzara mais, après, longer cette côte basse vers Bastia ne nous attire pas trop.


Plus à l'Est, Elbe nous semble plus judicieuse. Pour la même distance que Bastia, nous pouvons avoir un bassin de navigation plus intéressant. De plus, la météo prévoit des vents de Nord et Nord-Est qui nous mettront à la peine pour chercher des abris. Dans quelques jours, nous pourrons revenir vers le Nord de la Corse quand nous le voudrons ou bien, éventuellement, faire un tour dans le golfe de Gênes. Quelques grandes étapes seront alors nécessaires, même si nous privilégions les sauts de puce.


Donc, Elbe. Un trajet de plus de presque 90 milles depuis Porto Vecchio. Nous l'allongerons un peu avec un petit détour d'une heure vers Solenzara pour faire le plein de gasoil et un peu d'eau.
L'eau, c'est un peu partout, un peu toujours que nous la cherchons. Contrairement à de nombreux plaisanciers, nous ne remplissons pas de grande réserve mais cherchons plutôt à récupérer régulièrement le contenu d'un bidon. Une habitude un peu contraignante qui nous permet d'avoir toujours le plein d'eau, ou à peu près.


Départ le matin, assez tôt. Il nous faut être à Solenzara aux alentours de midi pour repartir vers Elbe et arriver avant les vents contraires. Ce matin, il n'y a quasiment pas de vent, comme prévu. Ce sera moteur. Et nous espérons un peu de sud-est cet après-midi avant du nord faible dans la nuit, puis du nord-est à l'arrivée. Il va falloir nous glisser entre les îles de Pianosa, Monte Cristo et le récif de Scoglio di Africa et dans la trame de ces vents et il semble que ce soit le bon jour. Demain, ce sera trop tard avec des vent de face toute la journée, des vents qui devraient se renforcer et nous coincer encore quelques jours dans le sud de la Corse si nous restions encore un peu. C'est la bonne fenêtre pour partir.


4 heures et demie de moteur aidé par deux voiles qui font ce qu'elles peuvent dans un souffle d'air, une matinée pour rejoindre le port de Solenzara, endormi derrière sa jetée de gros cailloux jetés dans la mer. La station est juste à gauche, en entrant. Elle nous propose du carburant, on mendie un peu d'eau. On peut rester le temps d'aller acheter un peu de pain à la boulangerie proche et discuter un peu dans le bureau climatisé où il fait presque frais. Il semble que la fréquentation soit bien molle et qu'il n'y ait pas la foule habituelle au port, que les italiens eux-mêmes soient absents. On discute un moment Covid 19 et ses conséquences, on évoque l'absence de gestes de précaution dans les magasins corses, on bavarde un peu...


Départ un peu avant 13 heures par un léger souffle de Sud-Est, un vent de travers pour nous qui tentons de l'exploiter du mieux que nous pouvons. Ce sera un déjeuner silencieux, sans le moteur. Le déjeuner et l'absence de bruit ne dureront pas, ou alors il faudrait prévoir une arrivée tardive. Quand la vitesse passe au dessous de 3 nœuds, la machine est lancée. Elle tournera jusqu'au bout.

L'après-midi passe à la lecture pendant que le pilote automatique fait le travail. On croise d'abord la route de quelques bateaux de plaisance qui descendent la Corse tout droit sans infléchir leur route vers Solenzara. Un peu plus tard, dans le canal entre Corse et Elbe, ce sera le tour des cargos et ce sera notre tour d'infléchir notre route pour éviter une rencontre. Pas moyen de discuter avec ces monstres de 150 mètres de long qui avancent sur des rails à une quinzaine de nœuds. Il vaut mieux que nous prenions quelques précautions. D'autant que nous croisons le premier en soirée mais les suivants attendront la nuit. Lumière rouge ? Lumière verte ? Ils passeront derrière ou devant ? Ils ne sont heureusement pas très nombreux mais nous devrons deux fois modifier notre route.

La nuit tombée, la première lumière, parce qu'on la guette, est celle du récif Scoglio Africa : un "FI W 5s", c'est à dire un feu intermittent blanc qui fonctionne sur une période de 5 secondes. Du côté de la Corse qui s'est transformée en ombres chinoises, quelques lumières percent, des phares et des bourgades.


Monte Cristo se dresse au loin. L'île est interdite à part pour quelques visites guidées. En tout cas, il semble que notre bateau n'ait rien à y faire. C'est une réserve intégrale où les chèvres, les serpents, les plantes endémiques jouent le plus librement possible. Monte Cristo, vue d'ici, n'est pas tellement engageante.


Pianosa non plus. Contrairement à Monte Cristo, cette île est assez basse. Comme d'autres îles toscanes, elle abrita un pénitencier de haute sécurité. Il semble que celui-ci soit fermé et qu'on puisse visiter l'île maintenant. Mais nos documents nautiques la signalent toujours interdite. On en verra son phare et une lumière sur un bâtiment. C'est la nuit : impossible de distinguer autre chose, juste deviner une masse sombre quand on la passe autour de deux heures du matin.

Et puis nous sommes occupés : d'abord le vent est revenu, de Ouest-Nord-Ouest. On a gardé le moteur mais mis les voiles au près serré. Ca avance bien. Et puis il faut commencer à faire attention aux bateaux. Ce ne sont plus les cargos qu'on guette mais les bateaux de pêche dont les trajectoires sont souvent sinueuses et difficiles à prévoir.

Avant trois heures, nous aurons rangé le génois : vent de face. Trois lumières vives sur l'eau, vers notre avant et sur bâbord : ce sont des bateaux qui pêchent ensemble au lamparo. Ils vont nous accompagner un bon moment.

Elbe approche. Nous voyons les lumières des agglomérations et celles des phares. Capo Moro : "FI 5 s 160 m 16 M". Le début de la traduction est facile pour ceux qui suivent ! Feu intermittent d'une période de 5 secondes. La suite ? La lampe est à une hauteur de 160 mètres au-dessus de l'eau et sa lumière porte en principe à 16 milles.

Avant, les phares, on passait son temps à les relever au compas, on traçait des demi-droites sur la carte pour déterminer le plus précisément possible notre position, on guettait la moindre balise après avoir cherché ses caractéristiques dans le "Livre des Feux". Le GPS a bien simplifié la navigation  en nous positionne d'après nos coordonnées : 42°45,60'N et 10°19,30E. Hop, on reportait ce point sur la carte et c'était déjà très bien. Maintenant, la carte est sur un écran où se balade un bateau ou une flèche dans un paysage en deux dimensions. C'est magique, d'autant que nous avons ainsi notre vitesse, notre cap, la distance au point d'arrivée, le temps qu'il nous reste...


Et d'ailleurs, on va ralentir un peu pour arriver en plein jour pour trouver un endroit où mouiller. Ce sera plus facile qu'en pleine nuit. L'ancre est posée dans Golfo Stella un peu avant 7 heures. Nous aurons mis 18 heures depuis Solenzara.